La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) condamne la détention d’Apollinaire Mewenemesse par la police togolaise et exige la libération inconditionnelle du journaliste.
De même, la MFWA condamne la suspension du journal que M. Appolinaire dirige, La Depeche, et exige l’annulation immédiate de la suspension du journal.
La Brigade de recherche et d’investigation de la police de Lomé a arrêté le 26 mars 2024 Mewenemesse, rédacteur en chef de l’hebdomadaire, après que le journaliste ait honoré leur invitation.
Cette convocation fait suite à un article publié le 28 février, dans lequel le journal exprimait son désaccord avec un tribunal concernant la condamnation du chef de l’armée, le général Abalo Kadangha, dans le cadre d’un procès pour meurtre. Kadangha a été condamné à 20 ans de prison dans l’affaire de la mort suspecte du lieutenant-colonel Bitala Madjoulba, une figure de proue du cercle intime du président Faure Gnassingbé.
Deux jours après l’arrestation de Mewenemesse, un juge d’instruction a inculpé le journaliste de 72 ans de sept chefs d’accusation, dont diffamation, fausse publication, incitation et atteinte à la sécurité de l’État, et l’a placé en détention provisoire.
La détention de Mewenemesse est la deuxième attaque contre le journal à propos de cette publication critique. Le 4 mars, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), l’instance de régulation des médias au Togo, a suspendu La Dépeche pour une durée de trois mois pour le même sujet.
« L’emprisonnement d’un journaliste uniquement parce que sa publication agace quelques grands hommes sensibles aux critiques est une violation des principes les plus élémentaires de la liberté de la presse. Les autorités togolaises ne peuvent pas prétendre pratiquer la démocratie et, en même temps, assiéger la liberté de la presse, qui est une caractéristique essentielle de la démocratie », a déclaré Muheeb Saeed, Responsable du Programme liberté d’expression de la MFWA.
Parallèlement, un autre journal privé, le Tampa Express, fait l’objet d’un harcèlement judiciaire depuis près d’un an. Les ennuis de Tampa Express ont commencé le 1er mars 2023, lorsqu’un homme d’affaires togolais de premier plan, Charles Kokouvi Gafan, a déposé une plainte contre Napo Koura, directeur de publication du journal.
Gafan affirme que M. Napo Koura a autorisé la publication d’un article contenant de “fausse information” en janvier 2023. Un article dans lequel il est prétendu que Mr Gafan, lors de son passage à la société Togo Terminal en tant que directeur général, n’avait pas su faire preuve d’un leadership efficace.
Il demande au tribunal d’ordonner le paiement de 30 millions de francs CFA (50 000 USD) à titre de réparation légale. Cette somme est excessive, étant donné que l’article 290 du code pénal prévoit une amende maximale de 2 millions de francs CFA (3 321 USD), si Napo Koura est reconnu coupable. En vertu de ce même article, le journaliste pourrait être condamné à une peine d’emprisonnement de six mois maximums.
Une première audience tenue le 15 mars 2023 a été ajournée au 26 avril 2023. Une autre audience, prévue pour le 20 mars 2024, n’a pas eu lieu car M. Amekudji, l’avocat de Charles Gafan, n’était pas présent au tribunal, alors que Francisco Napo-Koura était présent avec son avocat Elom Kpade. Le prochain rendez-vous pour cette affaire qui dure depuis plus d’un an est le 8 mai 2024.
Cette action en justice s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par M. Gafan pour faire taire le Tampa Express. L’homme d’affaires a obtenu la suspension du journal pour trois mois à compter du 1er février 2023 après avoir dénoncé le journal à la HAAC.
“M. Gafan a saisi la HAAC. Elle nous a donc donné une suspension de trois mois à partir du 1er février 2023. Nous avons contesté cela devant la chambre judiciaire parce que la procédure était viciée. Nous n’avons jamais reçu de mise en demeure ou demise en garde. Et contre toute attente, le 1er mars 2023, soit un mois plus tard, il a obtenu une citation directe contre Tampa Express”, a déclaré M. Napo Koura à la MFWA lors d’un entretien téléphonique.
Le bimensuel Tampa Express fait également l’objet d’un procès intenté par Gilbert Bawara, le ministre de la fonction publique. L’affaire, qui est toujours en cours, entrave considérablement le travail du média privé.
La MFWA appelle les autorités judiciaires du Togo à traiter rapidement ces affaires judiciaires, qui constituent une forme de poursuites baillons, des affaires frivoles et des actions en justice inconsidérées utilisées par des personnes puissantes pour intimider, distraire et exercer des pressions financières et psychologiques sur des journalistes et des organisations de médias critiques.