Répression sanglante de manifestations au Togo: 7 morts et plus d’une soixantaine d’arrestations

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) exprime sa profonde inquiétude face à la violente répression qui a entaché les manifestations pacifiques organisées à Lomé.

Alors que le Togo traverse une phase politique des plus préoccupantes, marquée par l’adoption controversée d’une nouvelle Constitution, la population s’est mobilisée pour dénoncer ce qu’elle considère comme un nouveau coup de force du président Faure Gnassingbé, sous l’impulsion de membres de l’opposition, d’acteurs de la société civile et de certains cyberactivistes.

Lors d’une série de manifestations organisées du 26 au 28 juin 2025 à Lomé, les protestataires ont exprimé leur rejet catégorique des révisions constitutionnelles qui pourraient permettre au chef de l’État, au pouvoir depuis 2005, de se maintenir indéfiniment.

Pour eux, la modification de la loi fondamentale n’est qu’un épisode de plus dans une longue série de décisions qui affectent négativement le quotidien des Togolais : d’abord la cherté de la vie, ensuite les arrestations arbitraires d’activistes, puis l’investiture de Faure Gnassingbé comme président du Conseil des ministres le 3 mai 2025.

Après les premières manifestations des 5 et 6 juin 2025, qui s’étaient soldées par une série d’arrestations, la population a décidé de redescendre dans la rue pour faire entendre sa voix.

Le 24 juin, dans une déclaration anticipant les manifestations, le gouvernement togolais a fermement mis en garde contre ce qu’il a qualifié d’actions illégales. Un conseiller du président a rappelé que « toute manifestation doit faire l’objet d’une saisine des autorités compétentes », soulignant que les rassemblements prévus n’avaient pas été autorisés.

Un bilan tragique à l’issue des manifestations

Les manifestations ont eu lieu du 26 au 28 juin 2025 dans plusieurs quartiers de Lomé. Initialement pacifiques, elles ont rapidement été violemment réprimées. Les forces de l’ordre, appuyées selon plusieurs témoignages par des miliciens en civil, ont procédé à des dispersions brutales. De nombreux manifestants non armés ont été passés à tabac. Des arrestations arbitraires ont eu lieu, visant parfois de simples passants ou riverains, sans fondement légal.

Le bilan humain de ces trois journées de mobilisation est tragique. Sept corps ont été retrouvés sans vie. Le 27 juin au matin, deux frères âgés de 22 et 25 ans auraient été repêchés dans le quatrième lac du quartier Akodessewa. Identifiés par leur frère, ils auraient portés disparus depuis la nuit du 25 au 26 juin, alors qu’ils rentraient d’une soirée.

Plus tard dans la journée, trois autres corps ont été découverts dans la lagune de Bè. Les victimes présentaient des blessures graves compatibles avec des tirs à balles réelles, selon des témoins et les premiers éléments recueillis. Parmi elles figuraient un adolescent de 16 ans, récemment titulaire du Brevet d’Études du Premier Cycle (BEPC), et un homme travaillant comme gardien de latrines publiques, abattu alors qu’il tentait de porter secours à un enfant blessé.

Deux autres corps ont été retrouvés le 28 juin dans la lagune de Nyekonakpoé, portant à sept le nombre total de morts recensés. Par ailleurs, plus de 60 personnes ont été arrêtées et des dizaines d’autres blessées.

Le gouvernement persiste et accuse les activistes de la diaspora

Alors que l’émotion reste vive, les autorités togolaises ont nié toute bavure dans la gestion des manifestations. Dans une posture de dénégation, le gouvernement accuse des « acteurs étrangers » de chercher à déstabiliser le pays par le biais de campagnes de désinformation et d’incitation à la violence. Il affirme que l’ordre public a été « rétabli avec professionnalisme » et promet des poursuites contre les organisateurs, y compris à l’international. Il balaie d’un revers de la main les accusations de répression et les décès enregistrés, qualifiant ces affirmations de tentatives de manipulation politique.

Un climat de plus en plus répressif

Depuis 2022, les manifestations publiques au Togo sont strictement encadrées. La liberté d’expression et de réunion est fortement restreinte, et la marge de manœuvre des partis d’opposition et des organisations indépendantes s’amenuise dangereusement.

Le bilan catastrophique des 26, 27 et 28 juin 2025 s’ajoute à celui des manifestations précédentes des 5 et 6 juin 2025, au cours desquelles environ 80 personnes avaient été arrêtées, et des journalistes interpellés ou empêchés de documenter les événements.

Dans ce contexte, les violences récentes ne sont pas seulement le symptôme d’une crise politique, mais aussi le reflet d’une gouvernance fondée sur la peur, la force et l’impunité.

Les décès recensés renforcent l’indignation générale. Dans une déclaration publique, Mme Essossimna Marguerite Gnakadé, ancienne ministre des Armées, s’est exprimée en ces termes :

« Je condamne avec la plus grande fermeté la répression orchestrée contre des citoyennes et citoyens togolais qui manifestaient pacifiquement, les mains nues, pour réclamer de meilleures conditions de vie et exprimer leur aspiration à davantage de liberté. En tant qu’ancienne ministre des Armées, je m’adresse directement aux Forces de défense et de sécurité (FDS), afin qu’elles prennent pleinement la mesure de la gravité de la situation et agissent avec responsabilité. »

La MFWA appelle à une enquête indépendante

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) exprime sa plus vive indignation face à la répression brutale exercée contre les civils lors des récentes manifestations au Togo. Elle condamne avec la plus grande fermeté l’usage excessif de la force par les forces de sécurité, ainsi que les violences perpétrées contre des manifestants pacifiques et des citoyens non armés qui ne faisaient qu’exprimer leur mécontentement.

Nous appelons instamment les autorités togolaises à engager, de manière transparente et indépendante, une enquête sur les événements tragiques ayant entraîné la mort de plusieurs citoyens et de violentes attaques. Il est impératif que toute la lumière soit faite sur ces faits graves, que les auteurs soient identifiés et traduits en justice.

Nous réaffirmons notre solidarité avec les familles endeuillées, qui ont droit à la vérité et à la justice. Il est du devoir de l’État de veiller à ce que de tels abus ne restent pas impunis, et que les droits fondamentaux des citoyens togolais soient pleinement respectés, afin de rétablir la paix sociale et la confiance des populations dans les institutions étatiques.

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