En ce qui est devenue une tendance à la hausse des attaques sur la liberté d’expression et de la presse, trois poursuites en justice ont été engagées contre des journalistes et des activistes en l’espace de deux mois, suscitant de vives inquiétudes au sein de la fraternité des journalistes.
En effet, le 13 Novembre 2020, Isselkou Ould Izidbich, ancien ministre des affaires étrangères et des Mauritaniens de l’Extérieur, et Ancien Ambassadeur de la Mauritanie en Grande Bretagne sous le régime de l’ancien Président Ould Abdel Aziz, avait porté plainte contre le journal en ligne Mourassiloun. Par l’intermédiaire de son avocat, l’ancien ministre des affaires estrangères reproche à Sidi Mohamed Ould Bellameche, Directeur du site Mourassiloun, d’avoir publié des informations relatives à une rencontre entre lui (ancien ministre) et le Président actuel de la Mauritanie, Mohamed Ould Cheikh Ghazouani.
Face à ce forfait, 40 éditeurs de la presse mauritanienne ont affiché une unité d’entente, en appelant, à travers un communiqué conjoint publié le 17 Novembre 2020, « à défendre les médias indépendants, à œuvrer à la consolidation de la liberté d’expression et à activer tout ce qui pourrait la renforcer».
Le communiqué conjoint des éditeurs renseigne que, ” l’ancien ministre avait d’abord recouru à la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA), qui n’a trouvé dans les publications de Mourassiloun rien de ”préjudiciable.”
La HAPA avait, dans le cadre d’une médiation conforme à l’article 7 de la loi l’instituant et l’autorisant à contribuer ”au règlement non judiciaire des conflits entre les médias et entre les médias et le public”, avait tenté de ”rapprocher les points de vue des deux parties mais en vain !” L’ancien ministre s’est résolu à recourir en justice, en dépit de la disponibilité manifestée par le directeur de ‘’Mourassiloun ‘’ à publier son droit de réponse. D’où l’étonnement du principal concerné ; ‘’ J’ai été surpris de l’introduction par Ould Izizdbih d’une plainte devant la justice au cours du processus de la médiation entreprise par la HAPA’’, a affirmé Ould Bellameche dans une publication postée sur sa page Facebook.
”Nous ressentons chaque jour le danger du harcèlement et des plaintes croissantes”, ont fait remarquer les éditeurs de la presse mauritanienne.
Après le calvaire de Ould Bellameche, c’est le blogueur et journaliste indépendant Mohamed Hacen Lebatt qui a pris le triste relais. Il été condamné, le 8 octobre 2020, par la chambre correctionnelle près le tribunal de première instance de Nouakchott-ouest, à un an de prison ferme, pour diffamation à l’encontre de Zeïn El Abedine Ould Mohamed Mahmoud, Directeur général de la Banque mauritanienne de l’investissement (BMI).
Il a été reproché à Lebatt d’avoir publié en ligne un article dans lequel il évoquait le « transfert d’un Milliard d’ouguiyas », lors de la campagne présidentielle de 2019, sur un compte qui appartiendrait à l’ex-président Mohamed Ould Abdel Aziz et logé à la Banque Mauritanienne d’investissement.
Après deux jours de détention à la prison civile de Nouakchott, Hacen Lebatt avait bénéficié d’une liberté provisoire après le retrait de la plainte déposée à son encontre par le Directeur général de la BMI. Ceci fait suite à la médiation engagée par le président du syndicat des journalistes mauritaniens Mohamed Salem Ould Dah.
Le même jour ou Lebatt a retrouvé sa liberté, un autre blogueur, Sidi Aly Ould Bella’mech, a été condamné à un an de prison ferme et d’une amende de 5000 MRU (133 USD) par le tribunal de grande instance de Nouakchot. Bella’mech a été jugé coupable de ”calomnie” pour avoir publié une série d’articles critiques sur l’Inspection Générale de l’Etat (IGE), une instance publique de lutte contre la corruption en saluant le rôle de médiation joué par la HAPA, encourage la fraternité des médias mauritaniens à resserrer leurs coudes dans la défense de la liberté de la presse et d’expression dans le pays.
La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) est préoccupée par cette vague d’interpellations et poursuite judiciaire a l’encontre des journalistes et bloggeurs en Mauritanie. Cet état de chose est en déphasage avec les engagements de la Mauritanie sous de nombreux protocoles régionaux et internationaux relatifs aux droits à la liberté d’expression et les jouissances des droits civils et politiques que le pays a ratifiés.
La MFWA appellent les autorités Mauritaniens à plutôt encourager le rôle de veille et de reddition de compte que doit jouer toute presse dans un régime démocratique. La liberté d’expression représente un des piliers fondamentaux dans toute société qui se dit respectueuse des standards de la démocratie. Par conséquent, nous exhortons les autorités à dépénaliser les délits commis par voie de presse.