Protéger l’Environnement au Bénin: Les Défis des Écologistes

L’environnement au Bénin, riche en biodiversité, subit une pression croissante due aux activités humaines telles que la déforestation, la pollution et l’exploitation illégale des ressources naturelles. Face à ces menaces, les écologistes, les organisations de la société civile (OSC) et les communautés locales travaillent ensemble pour préserver les écosystèmes vulnérables.

Cependant, ces efforts rencontrent des obstacles majeurs, notamment la violence à l’encontre des activistes, le manque de soutien politique et financier, ainsi que les crimes environnementaux.

Cet article examine ces défis majeurs rencontrés par les écologistes, les OSC et les communautés dans la promotion et la protection de l’environnement au Bénin, en se basant sur des expériences concrètes d’acteurs tels que Nature Tropicale ONG, JVE Bénin, CEBEDES et d’autres.

Menaces, intimidations et harcèlement des écologistes

Les menaces et intimidations sont des réalités auxquelles sont confrontés les acteurs de la protection de l’environnement au Bénin. Dans plusieurs cas, les écologistes dénonçant les crimes environnementaux font face à des représailles, notamment des intimidations et des attaques. Par exemple, Nature Tropicale ONG, qui s’engage dans la lutte contre la criminalité environnementale, met en lumière le manque de protection des écologistes sur le terrain.

Henri Totin de JEVEV ONG rapporte plusieurs cas d’intimidation sur le terrain, notamment dans la gestion des aires protégées où certains gardiens de temples ou chefs locaux se permettent de remettre en question la légitimité des actions de conservation menées par les écologistes.

« Oui, plusieurs fois sur le terrain notamment dans la gestion des APACS (Aires et territoires du patrimoine autochtone et communautaire) où les gardiens des temples ou têtes couronnées se croient tout permis sur la gestion et l’exploitation des espèces forestières » affirme-t-il.

Anas Seko, fondateur de l’ONG Citoyens Volontaires, dénonce quant à lui « les violences verbales sur les réseaux sociaux, ou dans les rues quand on sensibilise ».

La criminalité faunique expose également les activistes à des risques de représailles. Joséa Bodjrenou souligne que des menaces de séquestration et des actes de violence sont parfois perpétrés contre les agents engagés dans la lutte contre le braconnage et le trafic d’espèces menacées.

Problèmes juridiques, politiques et sécuritaires

Le cadre juridique et réglementaire constitue un autre obstacle pour les défenseurs de l’environnement. Bien que des lois environnementales existent, leur application reste souvent faible, voire inexistante. Les autorités locales ne prennent pas toujours les mesures nécessaires pour faire respecter ces lois, ce qui crée un climat de laxisme et d’impunité.

Henri Totin identifie également comme obstacles, la méconnaissance des textes et lois de la république dans le domaine environnemental ; les cas de corruption très élevée dans certaines communautés à la base surtout pour les cas d’occupation des sites pour exploitation de sable ; le manque de précision dans certaines lois dans le domaine environnemental comme celle liée à l’usage des filets homologués pour la pêche.

Joséa Bodjrènou, présente des désagréments subis en termes de tracasseries et d’abus : « Quand les procédures opérationnelles sont appliquées, il n’y a pas de problèmes particuliers mais on peut assister à une lenteur de la part de certains agents assermentés dans l’application de leurs responsabilités dans les procédures judiciaires ; les désinformations organisées par certains agents pour embrouiller des procédures ».

De plus, les activistes et OSC sont souvent confrontés à des pressions politiques qui limitent leur marge de manœuvre. Certains subissent des tracasseries administratives, policières ou fiscales en raison de leur engagement. Carin Karl Atondé souligne que ces tracasseries fiscales sont courantes et cause un rétrécissement progressif de l’espace civique pour les organisations environnementales, menaçant leur survie et leur capacité d’action.

Le régime béninois actuel est perçu comme répressif par plusieurs voix critiques, en particulier envers les activistes politiques, ce qui incite les militants écologistes à rester prudents.

Les journalistes et écologistes courent le risque d’être arrêtés par les forces de sécurité ou d’être enlevés ou blessés par des groupes extrémistes armés qui attaquent parfois le territoire béninois de l’autre côté de la frontière avec le Niger et le Burkina Faso. C’est le sort qu’a connu le journaliste environnemental nigérian Damilola Ayeni. La police béninoise l’avait.

D’autres défis rencontrés dans la promotion et la protection de l’environnement

Il existe in défi d’ordre émotionnel et psychologique dont certains activistes ont fait mention. Anas Séko expose un isolement social et l’absence de soutien de ses proches. Il révèle que son entourage immédiat voyait son engagement comme une perte de temps, ce qui a profondément affecté sa carrière. Il confie : « Ce fut un choc émotionnel, quand tout le monde te tombe dessus. » Ce manque de reconnaissance personnelle a entravé son travail, amplifiant les difficultés dans sa lutte pour l’environnement.

De plus l’absence de solidarité entre activistes renforce son sentiment d’isolement, car très peu de personnes partagent ses convictions ou se joignent à sa lutte publique contre la pollution et la mauvaise gestion des déchets.

Les ONG se heurtent souvent à des obstacles lorsqu’il s’agit d’accéder aux communautés ou aux ressources naturelles qu’elles cherchent à protéger. Les résistances locales, dues à des perceptions erronées ou à des conflits d’intérêts, rendent parfois l’accès aux zones critiques difficile.

Dans d’autres situations, les efforts pour protéger des espèces menacées, comme les tortues marines sur les côtes béninoises, rencontrent des résistances locales liées à des pratiques traditionnelles ou à la nécessité économique d’exploiter certaines ressources naturelles. Les communautés locales, qui sont souvent confrontées à un dilemme entre la conservation et la subsistance, finissent par s’opposer aux efforts de préservation d’espèces menacées. Par conséquent, les conservateurs se heurtent de plus en plus souvent à l’hostilité des populations.

Il se pose également un problème de genre, où les femmes ne sont pas épargnées. Sylvanna Ayihonsi, présidente de la structure AgroMEC Bénin, témoigne des difficultés qu’elle a rencontrées en tant que femme dans ce domaine, affirmant que son genre a souvent été un obstacle pour rencontrer certains dignitaires.

La protection de l’environnement au Bénin reste un défi complexe pour les écologistes, les OSC et les communautés locales, en raison des obstacles liés à la sensibilisation, au financement, à l’application des lois et aux menaces politiques et physiques. Malgré cela, une résilience exceptionnelle et des stratégies innovantes ont permis de faire des progrès notables.

Toutefois, pour que ces efforts soient soutenus et renforcés, il est crucial d’instaurer des mécanismes de protection pour les militants écologistes afin qu’ils puissent poursuivre leur travail sans crainte de représailles ou de violence. La mise en place d’un cadre légal pour leur protection, ainsi qu’une sensibilisation accrue sur leur rôle, contribueront à cette sécurité.

Aussi, une application rigoureuse des lois déjà en vigueur, comme celles liées à la protection des forêts et à la gestion des déchets, est essentielle. Les autorités doivent non seulement soutenir les décisions judiciaires en matière de protection environnementale, mais aussi répondre efficacement aux doléances des communautés et des activistes.

Les autorités se doivent de réaffirmer leur engagement de protéger les droits à la liberté d’expression en assurant que toute violation de ces droits, surtout à l’encontre des journalistes et écologistes environnementaux, sont punies. 

Cet article a été produit dans le cadre d’un projet visant à mettre en lumière les défis auxquels sont confrontés les écologistes et les journalistes spécialisés dans les questions environnementales. Ce projet de suivi et rapports intitulé « Promouvoir l’agroécologie et la Durabilité Environnementale et Renforcer la Liberté d’Expression en Afrique de l’Ouest », est mis en œuvre par la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) avec le soutien financier de The 11th Hour Project de la Schmidt Family Foundation.

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