Au Mali, la lutte pour la protection de l’environnement est une cause importante mais souvent complexe. Des militants et journalistes comme Boucary Guindo, Yaya Traoré ou encore Bibata Coulibaly et bien d’autre acteurs, engagés pour la protection de l’environnement sont confrontés souvent à de nombreux défis. Leur engagement n’est pas sans risque : intimidations et pressions politiques font partie de leur quotidien.
Une mission entravée par la méconnaissance et les intérêts locaux
L’un des principaux obstacles auxquels font face les militants de l’environnement est la méconnaissance des lois par les populations et certains responsables locaux. Boucary Guindo, militant engagé dans la protection des écosystèmes, constate que beaucoup, notamment parmi les paysans et certains cadres administratifs, ignorent les réglementations en matière d’environnement. « Les lois existent, mais elles ne sont pas suffisamment vulgarisées », déplore-t-il. Cette situation complique la mise en œuvre des politiques environnementales.
Les pratiques de déforestation illégale en sont un exemple. Les paysans, souvent dépendants de la coupe d’arbres pour diverses activités économiques, mettent une forte pression sur les autorités locales, en particulier sur les maires, pour éviter les sanctions. Ces derniers, sous la pression de leurs électeurs, sont souvent tentés de céder à des pratiques de lobbying, protégeant ainsi ceux qui enfreignent la loi. « C’est un cercle vicieux qui empêche la bonne application des textes », affirme Guindo.
Les pratiques polluantes et le manque de volonté politique
Le dragage des rivières dans le cadre de l’exploitation artisanale de l’or constitue également une grave menace pour l’environnement. Aly Camara, membre de la société civile, souligne que cette activité pollue considérablement les eaux et suscite d’intenses débats sur la qualité de l’eau et la diminution des stocks de poissons dans les zones concernées. En dépit de l’interdiction de la fabrication et de la vente des sachets plastiques, ces derniers continuent de proliférer, dégradant les sols et réduisant les rendements agricoles. De plus, les petits bidons en plastique, souvent jetés dans les caniveaux, aggravent les problèmes d’assainissement, sans que des solutions concrètes ne soient proposées.
Aly Camara déplore également une certaine indifférence des autorités à l’égard de ces problèmes : « le Mali possède depuis longtemps une politique nationale de l’eau ainsi qu’une politique nationale de l’assainissement, mais elles n’ont jamais été appliquées. En tant que membres de la société civile, nous avons rencontré successivement le Premier ministre et le ministre de l’Assainissement pour leur faire part de nos préoccupations. À l’issue de ces discussions, ils nous ont assuré que les textes relatifs à ces politiques seraient soumis et validés en Conseil des ministres avant 2025. »
Pour le Directeur exécutif de l’ONG Mali-Folkcenter Nyetaa, l’exploitation illégale de l’or constitue un des principaux défis en matière de protection de l’environnement au Mali. Il dira que les substances chimiques utilisées dans ce secteur peuvent persister dans l’environnement pendant 10 à 20 ans, voire plus, avec des conséquences néfastes pour la santé humaine. De nombreuses personnes en sont victimes et sont régulièrement hospitalisées pour des soins, déplore-t-il.
Pressions et intimidations
Si les militants et journalistes dénoncent souvent les pratiques illégales, ils font également face à des pressions qui rendent leur travail difficile. Yaya Traoré, journaliste, explique que ceux qui critiquent la gestion environnementale, que ce soit les constructions anarchiques ou le déversement des déchets, peuvent faire face à des intimidations discrètes. Cependant, ces menaces ne sont pas systématiques et se manifestent souvent de manière indirecte, à travers des restrictions d’accès à l’information.
Les intimidations à l’encontre des dénonciateurs des activités destructives de l’environnement peuvent causer un préjudice psychologique important. L’expérience du lanceur d’alerte Amadou Traoré en est un cas classique. Il a fini par s’exiler suite à des représailles provoquées par sa dénonciation d’un trafic de bois rose par ses employeurs, une société chinoise.
« Ma vie n’a plus été la même après ça ; j’ai reçu plusieurs menaces de mort. J’ai quitté mon pays à plusieurs reprises, j’ai changé fréquemment de sites de localisation », a raconté Traore lors d’une interview avec la BBC en mai dernier.
Le sort largement médiatisé de Traoré, surtout par les chaines internationales, aurait dissuadé de futurs lanceurs d’alerte, ainsi que des journalistes et activistes environnementaux au Mali.
La construction anarchique au bord des cours d’eau et le déversement des déchets dans les fleuves contribuent à la pollution croissante des écosystèmes aquatiques du pays. Ces constructions illégales sont parfois réalisées avec la complicité d’acteurs locaux influents, ce qui rend leur démantèlement extrêmement difficile.
« Les autorités locales sont parfois de mèche avec les promoteurs immobiliers. Ils s’efforcent pour freiner toute tentative de régulation et dissuader les couvertures médiatiques par intimidation », déclare un militant sous couvert d’anonymat. Les acteurs économiques ayant un intérêt dans ces projets s’emploient à protéger leurs investissements, au détriment de l’environnement.
Renforcer la sécurité et la protection des militants
La protection de l’environnement au Mali ne pourra progresser sans une protection adéquate des militants et des journalistes qui défendent cette cause. Le gouvernement doit garantir la sécurité des lanceurs d’alerte.
En outre, des programmes de vulgarisation des lois environnementales doivent être mis en place pour éduquer les communautés rurales et les autorités locales sur l’importance de l’environnement et sur les conséquences des pratiques illégales. Cette sensibilisation pourrait contribuer à combler le fossé entre les réglementations et leur application sur le terrain.
Ce rapport s’inscrit dans le cadre d’un projet de suivi et rapports sur la liberté d’expression liées au journalisme et l’activisme environnementaux. Le projet intitulé « Promouvoir l’agroécologie et la Durabilité Environnementale ; et Renforcer la Liberté d’Expression en Afrique de l’Ouest », est mis en œuvre avec le soutien financier de The 11th Hour Project.