Niger: Les écologistes, journalistes environnementaux se lamentent des restrictions et hostilités auxquels ils sont confrontés

Pour produire cet article sur la liberté d’expression et l’activisme environnemental, nous avons interrogé plusieurs acteurs qui mènent des activités dans ce sens et s’intéressent beaucoup à l’environnement et au changement climatique au Niger.

Selon le journaliste Salifou Hachimou, membre du réseau des journalistes nigériens pour l’environnement, depuis quelques années, il a été constaté un engouement des médias et des journalistes en particulier autour des questions liées à l’environnement. Seulement, il se pose un problème des journalistes spécialisés pour aborder chaque fois la question avec beaucoup plus d’intérêt. Cependant, beaucoup de journalistes traitent les mêmes choses depuis des années, faute de moyens logistiques et de renforcement de capacité. Il faudra donc former les journalistes pour pouvoir repenser les angles de reportages afin de donner plus de visibilité sur les questions environnementales qui constituent aujourd’hui une véritable préoccupation pour les communautés.

Pour Moussa Amma, journaliste travaillant sur les questions environnementales à la radio Anfani de Zinder, une localité qui se situe à 950Km de Niamey, il y a de la matière à traiter et à informer le public parce que le changement climatique est une réalité au Niger. « Par exemple, j’ai travaillé sur les inondations dans cette région. Par rapport à l’accès à l’information, on note une amélioration auprès des populations locales, des autorités et des universitaires. »

Camp de déplacés d’Ouallam, région de Tillabéri, Niger, 2022 | Photo: OCHA/Laura Fultang

Selon Moussa Amma, l’accès à l’information est un droit public. Seulement, il y a des responsables qui ne collaborent pas. « Par exemple, lorsque j’ai travaillé sur une enquête sur les inondations, le responsable régional du Ministère de l’Action Humanitaire et de la Gestion des Catastrophes en son temps n’a pas souhaité collaborer. J’ai trainé avant d’avoir les données, or c’est un travail utile pour les autorités et les populations. »

En abordant les défis, Salifou Hachimou estime que le traitement des questions de durabilité environnementales par les médias est essentiel tout en renforçant périodiquement leurs compétences. Pour ce faire, les acteurs concernés doivent lâcher l’information aux journalistes en temps réel.

Les communautés affectées doivent avoir accès à l’information sans restrictions. | Photo: Unicef Niger

Les difficultés et hostilités liées aux activités

Au cours de leur engagement, ces acteurs rencontrent des difficultés. Le régime en place ne cesse de prendre des mesures pour assurer que les activités, particulièrement les financements, des organisations de la société civile, soient surveillées par l’Etat. En effet, les autorités accusent certaines ONG de collaborer avec des groupes extrémistes, entachant ainsi les relations avec les ONG, surtout celles représentant ou financées par des principaux occidentaux.

En Novembre 2024, l’Union Européenne a dû rappeler son ambassadeur du Niger suite à un polémique sur la gestion de l’aide humanitaire destinée aux victimes des inondations. Selon les autorités nigériennes l’attribution directe des fonds aux ONG relève du manque de transparence et de respect pour la souveraineté de l’Etat du Niger. Dans un climat aussi tendu, le travail des ONG, y compris celles qui évoluent dans le domaine de l’environnement, est de plus en plus difficile.

 L’insécurité

Un autre élément capital c’est que les journalistes et les écologistes ont besoin de sécurité dans ce travail environnemental. Conformément à l’état d’urgence décrété dans le cadre de la lutte contre les activités terroristes, le gouvernement nigérien avait interdit en janvier 2020 la circulation des motos dans la région de Tillabéri. La moto étant le principal moyen de déplacement au Niger, cette mesure sécuritaire a entravé énormément le travail des journalistes et écologistes qui ont eu de la peine à accéder les zones touchées par les activités terroristes. Heureusement, cette interdiction vient d’être levée.

Aussi, avec les attaques terroristes et les activités des groupes armés violents dans certaines régions du pays, les environnementalistes, particulièrement les gardes forestiers, risquent d’être enlevés ou pris dans le feu croisé entre les forces gouvernementales et les groupes terroristes. Il en va de même pour les cultivateurs, les éleveurs et les pêcheurs.

Les Forces Armées Nigériennes effectuent un mouvement de convoi | Photo: Staff Sgt. Jeremiah Runser (US Army) via The Borgen Project

Il est nécessaire de continuer à renforcer les capacités de l’ensemble des acteurs pour un meilleur plaidoyer et reportage plus professionnels sur les questions de l’environnement. Il faut aussi améliorer le cadre de concertation entre le gouvernement nigérien d’un côté, et les ONG et les médias de l’autre côté, afin de permettre à ces derniers d’exercer leur métier en toute tranquillité, et dans le respect des régulations qui encadrent leur travail.

Les sociétés civiles locales et internationales et la communauté diplomatique doivent faire pression sur les parties au conflit pour qu’elles prennent toutes les précautions possibles afin d’éviter de prendre pour cible les journalistes et activistes de l’environnement.

Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet de suivi et rapports sur la liberté d’expression liées au journalisme et l’activisme environnementaux. Le projet intitulé « Promouvoir l’agroécologie et la Durabilité Environnementale ; et Renforcer la Liberté d’Expression en Afrique de l’Ouest », est mis en œuvre avec le soutien financier de The 11th Hour Project.

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