Un tribunal du Niger a ajourné au 9 janvier 2023 l’affaire dans laquelle Moussa Aksar, rédacteur en chef du journal nigérien L’Evénement, fait appel d’une décision prise à son encontre pour diffamation. Le procès en appel s’est ouvert le 10 octobre 2022.
Le journaliste d’investigation avait interjeté en appel une décision de la justice nigérienne le condamnant en mai 2021 à payer une amende de 200 000 francs CFA (environ 305 euros) et un million de francs CFA de dommages et intérêts (environ 1 525 euros).
Joint par téléphone par la MFWA, Moussa Aksar a expliqué que lui et ses avocats ont demandé à une cour de leur accorder plus de temps afin de permettre aux nouveaux avocats français de mieux s’imprégner du dossier en vue d’apporter leur soutien. Il s’agit notamment des maîtres Henri Thulliez et William Bourdon de la Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique, une plateforme qui vise à défendre les lanceurs d’alerte, ainsi qu’à faire du plaidoyer et engager des litiges stratégiques en leur nom lorsque leurs révélations traitent de l’intérêt général des citoyens Africains.
Aksar, qui est aussi président de la cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation (CENOZO) et membre du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), a été accusé de de diffamation dans le cadre d’un travail d’enquête international sur une affaire de détournements de fonds.
Dans son enquête publiée en septembre 2020, le journaliste a traité d’un détournement supposé des dizaines de millions d’euros par des hauts responsables de l’armée et des proches du pouvoir en surfacturation de matériel militaire, en livraison d’armes défectueuses ou en contrats qui n’avaient pas été honorés.
Après plusieurs menaces de morts dans le cadre de son investigation, Aksar a fini par être poursuivi pour diffamation par un ressortissant nigérien installé en Belgique et qui a été cité en tant que complice dans l’affaire de détournements de fonds.
Le journaliste dénonce une tentative de ses détracteurs de vouloir le réduire au silence et discréditer l’enquête qui a été conjointement menée dans près de 90 pays avec le concours du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), un réseau indépendant de journalistes basé à Washington, et de la Cellule Nobert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO).
“Il y a un acharnement et un harcèlement qui sont judicaires et économiques. Ma rédaction a été récupérée par le pouvoir et on lui a attribué un autre nom. Je n’ai plus droit à la publicité, je suis obligé de recourir à la rédaction en ligne”, confie Aksar à la MFWA.
Le journaliste ne se laisse pas pour autant décourager malgré l’oppression et l’insécurité auxquelles il fait face. Il parle d’une passion et d’un engagement pour la redevabilité et l’intérêt du publique.
“On est là pour l’intérêt publique. C’est ce qui me motive. Et je pense à la relève, si j’abandonne, les jeunes qui viendront après moi ne voudront plus faire du journalisme d’investigation”, a-t-il confié à la MFWA.
La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) se joint aux organisations de défense des droits de l’homme et de la liberté de la presse pour exprimer notre soutien indéfectible à Moussa Aksar. Nous condamnons fermement le harcèlement multiforme du journaliste d’investigation Moussa Aksar par les autorités du Niger, et comptons sur la justice nigérienne de s’assurer que justice soit rendue. Nous exhortons également les autorités du Niger à garantir la liberté de la presse et la liberté d’expression, des droits fondamentaux.