La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest considère comme répressive et intenable la suspension de Walf TV par le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA), et demande instamment à l’autorité de régulation de l’audiovisuel du Sénégal d’annuler cette décision.
Le CNRA a suspendu Walf TV le 10 février 2023 pour sept jours, accusant la chaîne de violer le code de déontologie des médias en montrant des scènes de violence. La chaîne couvrait en direct une marche de protestation des partisans de l’opposant Ousmane Sonko, qui a donné lieu à de violents affrontements avec les agents de sécurité. Les autorités avaient interdit le rassemblement prévu à Mbacké (une ville du centre du Sénégal, à 190 km à l’est de Dakar) et les forces de sécurité ont tenté de s’interposer entre la délégation d’Ousmane Sonko qui se rendait de Touba (également une ville du centre du Sénégal faisant partie du district de Mbacké) au lieu du rassemblement.
Alors que Walf TV assurait la couverture des événements, le CNRA a coupé le signal de la chaîne. Le régulateur reproche au média « une couverture irresponsable des manifestations à Mbacké en diffusant en boucle des images de violences exposant des adolescents, accompagnées de propos dangereux y compris de la part des reporters, en violation totale de la réglementation ».
La MFWA conteste fermement la décision des régulateurs et demande le rétablissement immédiat du signal de Walf TV.
« Il y a toujours le risque que certains actes de violence se produisent pendant les manifestations, surtout des militants des partis politiques. Faut-il une loi pour interdire carrément la couverture en direct de manifestations potentiellement violentes ? Les médias doivent-ils être obligés d’arrêter la couverture en direct des événements dès qu’ils deviennent violents ? Le public n’a-t-il pas besoin de savoir comment la violence a commencé, qui en sont les auteurs et les victimes ? En quoi le fait de communiquer ces cruciales informations en temps réel constitue-t-il une infraction ? Ce sont les questions auxquelles le CNRA devrait répondre », a déclaré Muheeb Saeed, responsable du programme pour la liberté d’expression à la MFWA.
Réagissant à la suspension, Ibrahima Lissa Faye, président de l’Association des professionnels de la presse en ligne, a déclaré aux médias qu’il s’agit d’une décision singulière qui n’est pas justifiée, car Walf TV n’a commis aucune faute ou erreur. « Elle a juste couvert une activité en direct qui se tenait à Mbacké. Je pense que l’information est d’intérêt public. Donc il n’y a pas de problème », renchérit-il.
La Direction de la chaîne a décidé de faire appel de la décision et de demander le retour immédiat à l’antenne de leur chaîne de télévision. Ils demandent également formellement la démission de Babacar Diagne, président du CNRA.
Dans un communiqué de presse, le groupe de presse Wal Fadjri a déclaré qu’il prévoyait organiser un sit-in le vendredi 17 février devant les bureaux du groupe. Le samedi 18 février, un autre sit-in sera organisé devant les locaux du CNRA pour faire pression sur l’appel à la démission de Diagne. La campagne sera clôturée le dimanche 19 février par un rassemblement à la Place de l’Indépendance pour dénoncer le recul de la démocratie et de la liberté de la presse au Sénégal.
La MFWA exprime son soutien total et sa solidarité avec Walf TV et exige la levée de sa suspension. La station est la source d’information pour plus d’un million de personnes au Sénégal et la suspension arbitraire du média viole le droit à l’information de ses nombreux téléspectateurs.