Le journaliste Seydou Oumar Traoré, directeur général de Radio Baoulé FM au Mali, a été libéré le 26 novembre 2025 après avoir purgé une peine d’un an, dont six mois avec sursis. Sa condamnation était liée à l’infraction d’« outrage à un chef d’État étranger », pour des propos tenus à l’encontre du général Mamady Doumbouya, président de transition de la Guinée.
Traoré a été arrêté le 26 mai 2025, peu après la diffusion d’une vidéo largement relayée sur les réseaux sociaux dans laquelle il accusait le général Doumbouya d’avoir « trahi l’Alliance des États du Sahel (AES) en collaborant avec les puissances occidentales pour accueillir des bases terroristes en Guinée ». Ces propos ont entraîné une intervention rapide de la part de l’unité malienne de lutte contre la cybercriminalité, qui l’a placé en détention à son retour d’une mission officielle à Kidal dans le cadre d’une délégation du ministère de la Défense.
Son affaire a ensuite été renvoyée devant la Cour nationale de cybercriminalité du Mali, qui l’a condamné à un an de prison (dont six mois avec sursis) et à une amende d’un million de francs CFA (environ 1 785,58 dollars américains). Traoré a ensuite présenté des excuses publiques dans une vidéo diffusée en dioula, reconnaissant la gravité de la situation et demandant la clémence. Malgré ses excuses, il est resté en détention jusqu’à l’expiration de sa peine.
La rédaction de Radio Baoulé FM s’est réjouie de sa libération et a publié un communiqué remerciant ceux qui ont soutenu leur collègue tout au long de cette épreuve. Elle a précisé que Traoré comptait reprendre le travail dès que son état de santé s’améliorerait.
Le cas de Traoré s’inscrit dans un contexte plus large de sanctions pénales au Mali visant tout commentaire sur les dirigeants d’autres États de la sous-région sous régimes militaires. En novembre 2024, la chaîne privée Joliba TV a été suspendue pendant six mois après que l’activiste politique Issa Kaou N’Djim a tenu des propos critiques à l’égard du président burkinabé Ibrahim Traoré lors d’une émission télévisée. N’Djim a ensuite été reconnu coupable d’« outrage public à un chef d’État étranger » et condamné à deux ans d’emprisonnement. La condamnation de Traoré repose sur des dispositions relatives aux délits de presse et à la cybercriminalité, notamment l’outrage à chef d’État étranger.
Cependant, le Mali dispose également d’un cadre législatif spécifique à la presse, notamment la loi n° 00-046/AN-RM du 7 juillet 2000, qui définit les protections de la liberté de la presse et les procédures spécifiques pour traiter les délits liés à la presse. Cette loi, complétée par plusieurs décrets régissant la radiodiffusion et les régimes de sanctions, prévoit que l’activité journalistique doit relever d’un cadre conçu pour protéger la liberté des médias tout en garantissant la responsabilité.
La Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) se félicite de la libération de Seydou Oumar Traoré, mais demeure préoccupée par le recours persistant à des dispositions pénales pour sanctionner des contenus journalistiques ou relevant de la libre expression, en particulier dans les affaires impliquant des commentaires sur les développements politiques régionaux. La pénalisation des délits d’opinion risque d’encourager l’autocensure, de restreindre l’espace civique et de compromettre les engagements du Mali en faveur de la liberté de la presse.
La MFWA exhorte les autorités judiciaires maliennes à donner plein effet au régime juridique propre à la presse et à privilégier les recours civils ou administratifs plutôt que les peines privatives de liberté dans les affaires impliquant l’expression journalistique. Nous appelons en outre les autorités de transition à s’abstenir d’utiliser le droit pénal pour étouffer le débat public sur les questions régionales et à garantir le droit des journalistes et des citoyens d’exprimer leur opinion, même critique, sans craindre l’emprisonnement.


