La chaîne de télévision privée malienne Joliba TV s’est vu infliger une suspension de six mois par les autorités maliennes pour des propos « hostiles » tenus par un invité à l’encontre du Burkina Faso voisin. Aussi sévère soit-elle, cette suspension est en réalité présentée comme un geste de générosité de la part des autorités, qui avaient initialement retiré la licence de la chaîne de télévision pour une durée indéterminée.
L’autorité de régulation des médias du Mali, la Haute Autorité de la communication (HAC), a retiré la licence de Joliba TV le 26 novembre 2024. Cette décision faisait suite à une requête de l’autorité burkinabè de régulation des médias, le Conseil supérieur de la communication (CSC). Dans une lettre datée du 12 novembre, le CSC reprochait à la chaîne d’avoir jeté le discrédit sur le gouvernement du Burkina Faso en contestant sa déclaration selon laquelle il avait déjoué une récente tentative de coup d’État.
À la suite d’un recours de la chaîne, de négociations avec les autorités maliennes et des excuses adressées au gouvernement burkinabè, Joliba TV a recouvré sa licence en contrepartie d’une suspension de six mois. Pendant ce temps, Issa Kaou N’Djim, l’activiste et invité qui avait critiqué la junte burkinabè lors de la fameuse émission, a été condamné à deux ans de prison, dont un avec sursis.
N’Djim, qui est en prison depuis le 13 novembre 2024, a été reconnu coupable d’« outrage public à un chef d’État étranger » et d’« insulte via les systèmes d’information », et condamné le 30 décembre 2024.
Cette figure politico-médiatique s’est également vu infliger une amende d’un million de francs CFA (1 600 dollars) par le bureau national de lutte contre la cybercriminalité. N’Djim avait auparavant soutenu le dirigeant malien Assimi Goita, avant de s’aliéner la junte en appelant publiquement à une fin rapide du régime militaire.
La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest est profondément préoccupée par la suspension de Joliba TV et à l’emprisonnement de N’Djim. La chaîne est ainsi indirectement poussée à censurer ses invités et ses journalistes, ce qui porte atteinte à la liberté de la presse et à la liberté d’expression. Les six mois d’interruption d’antenne représentent non seulement une lourde perte financière pour la chaîne, mais compromettent également le droit à l’information de ses téléspectateurs.
Nous notons également avec regret que le tribunal a condamné N’Djim à deux ans de prison, soit une année de plus que ce que le procureur avait requis. Ayant en outre passé deux mois en détention arbitraire, N’Djim a déjà été suffisamment puni pour des faits qui ne devraient constituer une infraction dans aucun système démocratique. Nous appelons donc les autorités maliennes à le libérer immédiatement.


