Le Syndicat des Professionnels de la Presse de Guinée (SPPG) et d’autres associations de médias guinéens ont déclaré une journée sans presse en réponse à ce qu’ils considèrent comme un climat de répression que la junte au pouvoir impose aux médias.
Dans le cadre de cette manifestation, les écrans de télévision et les sites web d’information afficheront le message “presse en danger”, tandis que les stations de radio observeront un silence symbolique à partir de 5 heures du matin aujourd’hui, 11 décembre 2023. La journée sans presse vise à attirer l’attention sur la détérioration de la liberté de la presse en Guinée.
Le SPPG a annoncé la manifestation par le biais des réseaux sociaux, appelant à une réponse unie aux défis auxquels la presse guinéenne est confrontée, ajoutant que la profession de journaliste en Guinée est menacée d’extinction.
“Le danger, c’est qu’il n’y a pas qu’un seul aspect menacé : notre liberté et nos emplois sont menacés. Les patrons des médias sont également menacés. C’est un combat pour la survie, un combat pour l’honneur, nous allons sauver notre honneur, nous allons restaurer notre dignité,” a déclaré Sékou Jamal Pendessa, le secrétaire général du SPPG.
Ces derniers temps, la junte a renforcé son dispositif répressif à l’encontre des médias. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est l’ordre donné le 9 décembre 2023 par la Haute Autorité de la Communication (HAC) à la chaîne de télévision payante Canal+ de suspendre des chaînes comme Espace FM, Espace TV, Evasion FM et Evasion TV, pour des raisons de “sécurité nationale”. Cette décision fait suite à une mesure similaire prise à l’encontre de la radio et de la télévision Djoma le 6 décembre 2023.
Le gouvernement affirme que ces mesures ne sont pas destinées à museler la presse mais à traiter des questions telles que “la promotion de la haine communautaire, l’escalade des tensions sociales et politiques, et la propagation de discours de division.”
La HAAC affirme avoir pris cette décision à la suite d’une saisine des services compétents du gouvernement sur des questions de sécurité nationale, ce qui a conduit à la tenue d’une session plénière spéciale.
Selon certains médias locaux, les chaînes retirées de Canal+ sont parmi les plus suivies. Pour Espace TV, les “délits” ne sont peut-être pas sans lien avec le passage de Cellou Dalein Diallo, président de l’IFDG, l’un des plus grands partis politiques guinéens, sur son plateau le 6 décembre dernier.
Cette dernière mesure renforce les soupçons du public selon lesquels le gouvernement s’en prend aux organisations médiatiques concernées, qui sont toutes victimes de la restriction permanente des signaux. Depuis la fin du mois de novembre, les chaînes de ces mêmes médias – Espace TV, Evasion TV, Evasion FM et Djoma FM- ont été brouillés, ainsi que FIM FM. Les réseaux sociaux ont également été restreints en Guinée, WhatsApp, Facebook, Instagram et TikTok n’étant accessibles dans le pays que par l’intermédiaire d’un VPN.
Les médias guinéens ont fait l’objet d’une série de mesures répressives. Le 1er septembre 2023 (quatre jours avant le deuxième anniversaire du coup d’État de 2021), l’accès à Inquisiteur.net a été restreint dans le pays, ce que la direction du site d’information considère comme une attaque du gouvernement. Un autre site d’information critique, Guineematin.com, est inaccessible depuis le 15 août 2023, sauf via des réseaux privés virtuels (VPN).
Lors d’une précédente démonstration de force musclée, des agents de sécurité ont attaqué et arrêté une douzaine de journalistes le 16 octobre, pour avoir défié l’interdiction des marches publiques décrétée par la junte. Les journalistes protestaient contre la restriction de l’accès direct au site d’information Guineematin.com.
Dans un récent communiqué de presse, le SPPG et d’autres associations de presse ont qualifié d'”ennemis de la presse” des personnalités clés du gouvernement militaire actuel, notamment le Premier ministre, Bernard Goumou et le porte-parole du gouvernement Ousmane Gaoual Diallo.
La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) condamne fermement la suspension d’Espace FM, Espace TV, Evasion FM, et Evasion TV du réseau canal+ et appelle le gouvernement à revenir sur sa décision. Nous appelons également la HAC à défendre fermement la liberté de la presse plutôt que de capituler face à la pression des autorités, encourageant ainsi la répression des organisations de médias critiques. Les autorités guinéennes doivent considérer les médias comme un partenaire clé dans le processus de transition plutôt que comme des ennemis à réprimer.