Le ministre de l’information et de la communication de la Sierra Leone, Mohammed Rahman Swaray, a mal à la tête. Il ne s’agit pas de la douleur qui l’assaille lorsqu’il est stressé. C’est une douleur provoquée par les fausses informations.
Et à l’approche des élections présidentielles et législatives de 2023 du pays, il voudrait un remède à ce mal.
Il semble l’avoir trouvé dans la loi sur l’accès à l’information, vieille de neuf ans.
« À l’ère du numérique, l’un des plus grands problèmes est celui des fausses informations. Elles ne peuvent prospérer que lorsqu’il n’y a pas d’information », a-t-il déclaré lors d’un atelier visant à former les journalistes sierra-léonais au journalisme d’investigation et au journalisme de lutte contre la corruption et à lancer un manuel sur l’accès à l’information pour les journalistes.
Cet atelier d’une journée visait à renforcer les capacités des journalistes à utiliser les lois sur l’accès à l’information pour améliorer les enquêtes et l’élaboration des articles.
L’atelier, organisé par la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) en collaboration avec le Media Reform Coordinating Group (MRCG) et avec le financement du ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas, comprenait des sessions interactives avec des professionnels des médias expérimentés et des échanges d’expériences. Plus précisément, les participants ont eu à se pencher sur la manière d’utiliser la loi sur l’accès à l’information pour obtenir des informations factuelles afin de faire avancer leur travail.
Adoption de la loi par le Parlement
Bien que la Sierra Leone ait adopté la loi sur l’accès à l’information en 2013, sa mise en œuvre a été bâclée, selon les critiques, et aucune règlementation n’a été établie pour lui donner un coup de fouet.
Cependant, M. Swaray a déclaré que ce frein serait bientôt levé car le gouvernement a présenté le cadre de réglementation de la loi au Parlement le 28 juillet 2022.
Le règlement est censé conférer une certaine force à la mise en œuvre de la loi, qui, selon les observateurs des médias, n’a pas été mise à l’épreuve autant qu’elle le devrait.
Cette décision survient neuf ans après que la Sierra Leone a adopté la loi d’accès à l’information qui promettait transparence et redevabilité, mais dont la mise en œuvre n’a pas été bien accueillie par les médias.
Toutefois, le président de la Commission pour le droit d’accès à l’information, le Dr Ibrahim Seaga Shaw, a déclaré que la faute incombe aux médias qui n’utilisent pas la loi autant qu’ils le devraient.
Selon lui, les formations précédentes sur la loi avaient permis d’enregistrer une augmentation des demandes d’information sur les dépenses gouvernementales liées au COVID-19.
Mais les médias ont désormais délaissé la loi.
Il a donc invité les médias à faire bon usage de la loi dans leur quête de transparence et de responsabilité dans la gouvernance du pays.
Se différencier des journalistes citoyens
Le président de l’Association des journalistes de Sierra Leone (SLAJ), Ahmed Sahid Nasralla, est du même avis.
Il a déclaré que l’efficacité de la loi dépendrait de son utilisation.
« Si nous n’utilisons pas la loi sur le droit d’accès à l’information, nous ne saurons pas si elle fonctionne », a-t-il déclaré.
Alors que les experts en développement des médias déplorent la rareté du journalisme d’investigation dans le paysage médiatique sierra-léonais, le président de la SLAJ a déclaré que « le journalisme d’investigation est ce dont la Sierra Leone a besoin pour demander des comptes à nos dirigeants et promouvoir l’intérêt public. »
Cherchant à enhardir ses pairs sur l’utilisation de la loi sur l’accès à l’information, il a déclaré que « les journalistes d’investigation n’étaient pas des journalistes citoyens. Notre rôle est de diffuser des informations factuelles et non d’attaquer des personnalités. »
Dans toute la région, les commissions d’accès à l’information se plaignent toutes du même manque de financement. La Commission du droit d’accès à l’information de la Sierra Leone ne fait pas exception.
- Nasralla a donc exhorté la commission à faire preuve de créativité pour obtenir des ressources et ne pas dépendre uniquement du gouvernement.
Il s’inquiète également de l’insuffisance des responsables de l’information dans les ministères, départements et agences.
« Nous sommes préoccupés par l’application de la loi. Les citoyens ont le droit de poser des questions dans leur propre langue. C’est pourquoi il est important d’avoir des agents d’information dans toutes les institutions publiques », a-t-il déclaré.
Alors que la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest défend la mise en œuvre de la loi sur l’accès à l’information dans la région, les orateurs se sont succédé pour la féliciter ainsi que ses partenaires pour leurs efforts de renforcement des capacités en Afrique de l’Ouest.
Une responsable de programme de la MFWA, Adizatu Moro Maiga, avait le sourire aux lèvres en réponse aux compliments.
Elle a fait remarquer que la loi sur l’accès à l’information n’était pas uniquement destinée aux journalistes.
« L’accès à l’information est devenu un outil de développement et de gouvernance responsable », a-t-elle déclaré.
Les lois sur l’accès à l’information dans le monde ont pour but de permettre aux individus et à la société civile de comprendre les politiques avec lesquelles l’administration publique et les législateurs prennent des décisions en matière de gouvernance.
Cependant, les interprétations restrictives des lois sur l’accès à l’information, les taux exceptionnellement élevés de refus de demandes ou de non-réponse, et les faibles niveaux d’orientation et de soutien pour les responsables de la mise en œuvre ont été identifiés comme des blocages et des défis entravant la mise en œuvre effective des lois sur l’accès à l’information en Afrique.
La connaissance de la loi par les citoyens et les médias, ainsi que le niveau de connaissance des fonctionnaires quant à leurs obligations en vertu de la loi, sont également des préoccupations majeures.
L’atelier de formation sur le journalisme d’investigation et de lutte contre la corruption a été animé par le Dr Isaac Massaquoi, maître de conférences en médias et information, à la faculté de communication de l’université de Sierra Leone et Seth J. Bokpe, grand reporter à The Fourth Estate, au Ghana.
Cet atelier fait partie du projet de la MFWA intitulé « Renforcer la liberté de la presse, les droits numériques des femmes et la gouvernance responsable au Ghana, au Liberia et en Sierra Leone ». Il est financé par le ministère des affaires étrangères des Pays-Bas par l’intermédiaire de l’ambassade du Royaume des Pays-Bas au Ghana.