Le code du numérique du Bénin a encore fait une victime lors d’un jugement de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) qui a condamné un journaliste à un an de prison avec sursis pour « diffusion de fausses nouvelles ».
Les chefs d’accusation portent sur une enquête traitant d’exécutions extrajudiciaires policières présumées publiée par Virgile Ahouansè, le directeur de l’information de la web radio Crystal News. Dans son verdict du 15 juin 2023, la cour a également condamné le journaliste à payer une amende de 200.000 Francs CFA (environ 334 dollars américains). Ahouansè et ses avocats ont protesté la sentence et étudient la possibilité d’un recours après une procédure judicaire qui a duré plus de six mois.
« En réalité, ce verdict est une consécration de l’injustice, le débat de fond n’ayant jamais été fait. La police n’est jamais venue à aucune des audiences », le journaliste a confié à la MFWA.
La CRIET a prononcé sa sentence en vertu de l’article 550 de la loi n°2017-20 du 20 avril 2018 portant code du numérique en république du Bénin. Les termes généraux de l’article 550 prévoient jusqu’à deux ans d’emprisonnement et des amendes aussi élevés que dix millions de francs CFA (environ 15 830 dollars américains) pour divers crimes tels que le harcèlement et la diffusion de fausses informations par le biais d’une communication électronique.
En vertu de ladite loi, toute personne ayant initié une communication électronique qui contraint, intimide, harcèle ou provoque une détresse émotionnelle peut être inculpée. Il en va de même pour toute personne qui initie ou relaie une fausse information contre une personne par le biais des réseaux sociaux.
L’enquête qui a mené à la poursuite d’Ahouansè a été publiée le 14 décembre 2022. L’enquête a été réalisé sur la base de témoignages qui accusent la police d’exécutions extrajudiciaires à l’école publique de Dowa, à Porto-Novo, la capitale du Bénin.
Deux témoins qui ont pris part au reportage ont aussi été poursuivis. Le chef du quartier où se trouve cette école a été condamné à 12 mois de prison assortis de sursis et à 200.000 Francs CFA d’amende. Quant au gardien de l’école écope lui de 6 mois de prison ferme et 100.000 Francs CFA d’amende (environ 120 dollars américains). Les deux ont été poursuivis pour « diffusion par voie électronique de fausses nouvelles et complicité de diffusion ».
La condamnation d’Ahouansè a suscité des critiques dans le pays. Un ancien député qui soutient que la sentence du journaliste n’honore pas le pays a appelé à la restauration de la démocratie et la liberté de presse. Plusieurs autres voix ont fermement condamné le harcèlement du journaliste et ont appelé à la révision de code du numérique. Ahouansè avait été placé sous contrôle judiciaire depuis le 22 décembre 2022, soit deux jours après sa détention. La liberté du journaliste a été limitée car il s’est vu son passeport confisqué et était tenu de se présenter au poste de police chaque semaine.
La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) condamne fermement la condamnation de Virgile Ahouansè, quoique assorti de sursis, et demande à la CRIET de revenir sa décision. Cette dernière représente une atteinte à la liberté de presse et pousse davantage de voix critiques à l’autocensure, décourageant ainsi, tout journalisme de redevabilité.
S’il n’est pas révisé, le code du numérique pourrait conduire à un musèlement total de la presse et des voix dissidentes. Un bon nombre de journalistes ont déjà été arrêté en vertu des interprétations trop vague du code. Au moins huit journalistes ont été arrêtés au cours des quatre dernières années, accusés d’avoir enfreint ce code.