La police a arrêté et continue de persécuter Noah Dameh, le coordonnateur adjoint de la station de radio communautaire Radio Ada, située dans la région du Greater Accra, au Ghana, pour diffusion de fausses informations.
Les accusations sont liées à une publication Facebook que le journaliste a faite le 8 mai 2022 ainsi qu’à une plainte consécutive déposée par ElectroChem Ghana Limited, la société qui s’est vu accorder une autorisation des plus controversée pour l’extraction de sel à Ada.
Le 24 mai 2022, Dameh a été invité par le commandement régional de la police de Tema. Il est arrivé à 11 heures et a été retenu jusqu’à 17 h 45, heure à laquelle il a finalement été relâché après avoir été contraint de rédiger une déclaration.
Dameh est le producteur principal de la série d’émissions « Manor Munyu » diffusée sur Radio Ada, qui porte sur l’industrie minière du sel, entre autres questions de développement à Ada. Il gère également un blog qui se focalise sur les questions de développement dans la communauté d’Ada.
L’industrie d’extraction de sel à Ada est en proie à la confusion depuis qu’ElectroChem Ghana Limited a obtenu une licence pour extraire du sel à l’échelle industrielle dans la lagune Songhor. Le 13 janvier 2022, des voyous non identifiés ont attaqué Radio Ada et son personnel, alors que la direction de la station avait été avertie de cesser ses émissions sur l’industrie du sel.
Le 9 août 2021, des citoyens d’Ada, qui manifestaient contre les activités d’ElectroChem Ghana Limited, ont envahi les locaux de la société minière et détruit des biens. Vingt-trois personnes, dont trois chefs coutumiers, ont ensuite été arrêtées et inculpées.
La publication Facebook du 8 mai 2022 pour laquelle Dameh est persécuté contenait la photo d’un citoyen d’Ada, Benjamin Anim, qui aurait été maltraité par la police à la demande de McDan McKorley, directeur général d’ElectroChem Ghana Limited. La photo en question montrait Anim menotté à un lit d’hôpital, et l’article qui l’accompagnait affirmait qu’il avait été maintenu dans cet état pendant cinq semaines et qu’on lui avait refusé l’accès aux toilettes. Selon l’article, Anim a été arrêté chez lui après avoir porté secours à un concitoyen d’Ada (connu pour être un militant engagé contre l’accord Petrochem), qui se faisait agresser par une bande de non-autochtones soupçonnés d’être proches de McDan McKorley.
Le post intitulé « Stop the Inhuman Act, MacDan » (Arrête les agissement inhumains, MacDan) a déclenché les problèmes auxquels Dameh a été confronté dans les mains de la police. Le 14 mai 2022, il a reçu un SMS lui demandant de se présenter au commandement régional de la police pour un interrogatoire dans le cadre des enquêtes policières.
Lorsqu’il a répondu à l’invitation le 16 mai 2022, le sergent Derrick Debrah l’a informé qu’il a été convoqué par rapport à l’affaire Facebook susmentionnée et que c’était suite à une plainte pour diffamation déposée par ElectroChem Ghana Limited.
Dameh est retourné au commandement de la police le 20 mai mais a été rappelé pour fournir des informations supplémentaires le 24 mai 2022. Selon Dameh, la police lui a demandé d’inclure des détails sur l’endroit où il a obtenu la photo de McDan et sur la manière dont l’homme d’affaires est lié à l’affaire Anim. C’est ce que le journaliste a fait hier, le 24 mai 2022, après avoir été retenu toute la journée au Commandement de la police.
Martin Owusu, l’avocat de Dameh, a confié à la MFWA que bien que le post Facebook de son client mentionnait le nom de McDan, il ne mentionnait pas EletroChem Limited. Il a donc trouvé étrange que son client soit harcelé sur la base d’une plainte de l’entreprise.
« Dans tous les cas, pourquoi n’attentent-ils pas une action civile pour diffamation plutôt que de faire appel à la police ? J’aimerais bien qu’ils le poursuivent en justice ; ce sera très intéressant » a déclaré Maître Owusu.
La MFWA n’a pas réussi à recueillir le point de vue de la police sur l’affaire, à part une confirmation de l’officier chargé de l’affaire, le sergent Derrick Debrah, que Dameh fait l’objet d’une enquête pour diffusion de fausses informations. Le sergent Debrah, nous a renvoyés vers le responsable de la police judiciaire régionale, le surintendant en chef Kwabena Otuo Acheampong. Ce dernier nous a à son tour diriger vers le commandant régional de la police, DCOP M. Daniel Kwame Afriyie, qui a déclaré qu’il n’avait pas encore été informé de tous les faits, ajoutant qu’il s’efforçait de rencontrer Dameh en personne pour discuter de l’affaire.
Le calvaire de Dameh s’inscrit dans une tendance récente de persécution de journalistes et de militants par la police pour diffusion de fausses informations, les dossiers étant souvent abandonnés à la longue. Le 1er novembre 2021, la police a arrêté et placé en détention un animateur radio, Paa Kwesi Simpson, accusé de publier de fausses informations. L’arrestation fait suite à une fausse déclaration d’enlèvement faite par un auditeur qui a appelé l’émission de Simpson.
Le 10 février, la police a détenu Kwabena Bobbie Ansah un commentateur d’Accra FM pour « publication de fausses informations et conduite offensive. » Les accusations portent sur une vidéo que le journaliste a publiée sur les réseaux sociaux, affirmant que l’épouse du président Nana Akufo-Addo avait obtenu illégalement une parcelle de terrain appartenant à l’État.
Le 9 février, le directeur exécutif d’une organisation de lutte contre la corruption, Alliance of Social Equity and Public Accountability (ASEPA), a été arrêté par la police. Il avait publié, avant de se rétracter, des allégations selon lesquelles des membres de la famille présidentielle s’étaient rendus au Royaume-Uni à bord du jet présidentiel pour faire du shopping.
La MFWA exhorte la police de Tema à arrêter de persécuter Dameh pour un post Facebook qui est sans nul doute d’intérêt public. Si la police tient à mettre en doute la véracité du post du journaliste, nous attendons d’elle qu’elle réponde publiquement au post et qu’elle nie les allégations ou qu’elle explique les circonstances entourant l’hospitalisation d’Anim et pourquoi il était menotté à un lit. Nous déplorons le fait que Dameh ait été détenu et soumis à une enquête criminelle dans une juridiction où la diffamation n’est pas une infraction pénale. De telles actions créent inutilement le mécontentement du public envers la police et ternissent l’image du Ghana en matière de liberté de la presse.