Après 60 jours, les autorités nigérianes n’ont toujours pas progressé dans l’enquête sur l’assassinat d’un journaliste

0
973
Titus Badejo, Naija FM, Nigeria

Aujourd’hui, le 18 août 2021, cela fait exactement 60 jours que le journaliste Titus Badejo a été assassiné et, comme d’habitude, les autorités nigérianes n’ont fait aucun progrès dans l’enquête sur cet incident, soulignant ainsi l’état d’impunité qui règne dans le pays pour les crimes commis contre les journalistes.

Badejo, ancien présentateur radio de Naija FM, a été assassiné par des hommes armés non identifiés le 19 juin, dans une boîte de nuit d’Ibadan, la capitale de l’État d’Oyo, dans le sud-ouest du Nigeria. Les hommes armés ont ordonné à Badejo et à ses amis de sortir de la voiture avant de lui tirer dessus. Les assaillants ont immédiatement pris la fuite sans blesser personne d’autre, démontrant ainsi que le journaliste était la cible. Les assaillants n’ont rien pris à leurs victimes, ce qui écarte la thèse du vol.

« Des enquêtes approfondies sont en cours afin d’élucider les circonstances de l’incident et d’appréhender les assaillants. Des informations vérifiables seront fournies dès que possible », avait assuré à la presse endeuillée Adewale Osifeso, porte-parole de la police.

Mais deux mois plus tard, on craint davantage que le cas de Badejo ne rejoigne la longue liste des meurtres de journalistes qui sont rapidement jetés aux oubliettes.

« Nous espérons que, pour une fois, les autorités nigérianes seront en mesure de mener des enquêtes approfondies sur le meurtre de Badejo. La famille du journaliste, ses collègues et la communauté des médias doivent faire la lumière sur ce énième meurtre d’un professionnel des médias au Nigeria.  Il incombe au gouvernement de veiller à ce que justice soit rendue et à redorer le blason du pays en matière d’amnésie et d’impunité pour les meurtres antérieurs de ce type au Nigeria », a déclaré Muheeb Saeed, directeur du département « Liberté d’expression » de la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA).

Cette attaque mortelle à l’arme à feu contre Badejo est le deuxième meurtre d’un journaliste au Nigeria en dix mois. Le 24 octobre 2020, des agents de sécurité ont agressé et embarqué Pelumi Onifade qui couvrait les manifestations #EndSARS pour Gboah TV, une chaîne de télévision en ligne. C’est la dernière fois que le stagiaire de 20 ans a été aperçu vivant. Le corps de l’étudiant journaliste a été retrouvé dans une morgue à Ikorodu Lagos, après une semaine de recherches dans les postes de police et les établissements pénitentiaires de Lagos. Onifade serait mort en garde à vue des suites des blessures qu’il a subies lors des violents passages à tabac. Sa dépouille a été déposée à la morgue.

Cette dernière affaire impliquant Titus Badejo porte à huit le nombre de meurtres non élucidés de journalistes au Nigeria au cours des cinq dernières années, dont quatre pour la seule année 2017.

En cette occasion historique qui marque le 60ème jour depuis l’assassinat de Badejo, la MFWA exhorte les autorités nigérianes à sortir de leur léthargie et à remuer ciel et terre pour que les responsables du meurtre du journaliste soient traduits en justice. Le Nigeria doit mettre en évidence sa volonté et sa capacité à traquer et à punir les auteurs de violences contre les journalistes.

Il s’agit de la moindre des choses que les autorités puissent faire pour aider la famille, les amis et les collègues des médias du journaliste décédé à surmonter le choc et le chagrin provoqués par sa violente élimination.  Le meurtre de Badejo est un meurtre de trop et l’incapacité à l’élucider ne fera qu’aggraver l’image du Nigeria en tant que refuge pour les tueurs et les agresseurs de journalistes.