Le Président Yahya Jammeh a prononcé ce qui pourrait être sa menace la plus effrayante pour la liberté des médias en Gambie. Peu après son retour d’une visite à l’étranger, le Président a exprimé son désaccord et sa colère, suite à la décision de la Commission nationale des Médias (NMC) de proroger le délai pour l’enregistrement obligatoire des journalistes et organes de presse dans le pays.
Dans une interview accordée aux journalistes proches du gouvernement à l’Aéroport International de Banjul, le Président a déclaré ceci : « Je ne vois pas pourquoi les journalistes locaux ne devraient pas se faire enregistrer auprès de la Commission ; et en fait, le délai n’aurait pas dû être prorogé ». Le 18 mai 2004, la NMC avait annoncé que le délai pour l’enregistrement obligatoire des organisations des médias ainsi que des professionnels était prolongé de trois mois, « …afin de permettre aux parties concernées de parvenir à une solution, grâce au dialogue ».
La NMC avait, dans une lettre en date du 10 mai 2004, annoncé un dernier délai fixé «au plus tard vendredi le 14 mai à midi », pour que tous les organes de presse et les professionnels se fassent enregistrer ou « cesser d’exercer ». En réaction à cet ultimatum, six organes de presse privés ont annoncé un black-out d’une semaine. La décision de proroger le délai avait été prise lorsque le Président était en visite aux États Unis et à Taiwan. « Les journalistes doivent se déclarer, ou alors ils cessent d’écrire ou qu’ils aillent au diable », a menacé le Président, en ajoutant que
«Nous croyons qu’il faut donner à chaque imbécile une longue corde pour qu’il aille se pendre avec. Apres les trois mois, il n’y aura pas de compromis ». La MFWA est fort préoccupée par les implications dangereuses que représentent les menaces du Président Jammeh. Ces propos du Président sont venus conforter les craintes de voir la NMC, telle que constituée actuellement, se soumettre facilement à l’influence et au contrôle du gouvernement. L’Article 13 de la loi portant création de la NMC (la Loi 2002 No. 7 de 2002) prévoit l’enregistrement obligatoire des organes de presse privés et des professionnels dans le pays.
Le défaut de formalité serait passible de des sanctions pouvant aller d’une suspension de 18 mois, une amende d’au moins 10.000 dalasis gambiens (environ 335 dollars US) à des peines d’emprisonnement des journalistes. La composition même de la NMC, ainsi que les pouvoirs quasi-judiciaires que lui confère la loi ont provoqué de sérieuses inquiétudes, en ce sens qu’elle pourrait être instrumentalisée pour censurer les journalistes et organes de presse indépendants ou ceux qui seraient critiques à l’égard du pouvoir, ou les empêcher carrément d’exercer dans le pays.
La MFWA lance un appel au Président Jammeh et son gouvernement pour qu’ils procèdent de toute urgence à la révision des aspects répréhensibles de la loi portant création de la NMC, et garantissent les conditions nécessaires au libre exercice des droits fondamentaux, de la liberté d’opinion et d’expression des journalistes et du public en général en Gambie.