Ces dernier temps, les journalistes à travers l’Afrique de l’Ouest, sont confrontés à des enquêtes parlementaires et judiciaires, arrestations arbitraires et détentions. Dans ce qui apparait comme une tendance récente des tentatives d’imposer la censure sur le reportage critique, les journalistes dans plusieurs pays ont eu affaire à des interrogatoires de la part des autorités.
Depuis le début de l’année 2015, 23 journalistes de différents pays de la sous-région ont été convoqués ou arrêtés et interrogés par des institutions d’Etat ou organes régulateurs.
Les tous derniers incidents se sont produits en Guinée Bissau et Sierra Leone le 4 décembre 2015. Dans le premier incident, le Procureur général la Guinée Bissau, António Sedja Man a ordonné l’annulation d’une émission populaire programmée à la radio nationale tout en convoquant le Directeur général de la Radiodiffusion Nationale de se présenter au Ministère de la Justice pour « une réunion de travail.»
Une assignation en date du 4 décembre 2015 signée par le procureur a convoqué Francisco Muniro Conte, tout en annulant le programme populaire où on parle des questions les plus importantes qui affectent le pays. Cependant, le harcèlement de journaliste était arrêté suite à des vives réactions des médias.
Le même jour, le Secrétaire du Parlement a convoqué trois journalistes de se présenter devant le Parlement pour répondre aux questions. Thomas Dixon et Theo Harding, Directeur de la Rédaction et Rédacteur en Chef de Salone Times, respectivement, et Asma James, Directeur de la station Radio Democracy, ont été demandés de se présenter et de s’expliquer sur les affirmations faites le 03 Décembre, lors de l’émission «Good Morning Salone» un programme sur Radio Democracy. Ladite déclaration concernait le budget de voyage du Ministre de l’Information et de la Communication, Alhaji Alpha Kanu.
Antérieurement, le 10 septembre, 2015, le secrétaire du parlement avait convoqué Abdul Karim Fonti Kabia et Bampia J. Bundu, respectivement Editeur et Directeur de publication du journal Blade, par rapport à un article satirique qu’ils ont publié le 1er Septembre intitulé : «‘Honte à Vous: Assemblée Nationale Béni-oui-oui.»
En Sierra Léone, la Commission Indépendante des Médias (CIM) est l’organe habileté à résoudre les délits de presse et des médias. Cependant, les agissements du Parlement semblent nuire à l’autonomie de la CIM, une situation contre laquelle de nombreuses voix se sont élevées.
«Nous croyons que si le Parlement veut des explications à propos de n’importe quelle émission ou publication, ils devront s’adresser en principe à la Commission Indépendante du Média (CIM) dans le cadre de la volonté de renforcer les institutions de l’Etat,» a dit Amadu Lamrana Bah, Président de la Sierra Leone Reporters Union (SLRU).
Au Niger, deux journalistes, Zabeirou Souley, Editeur en Chef de Le Nouveau Républicain, et Roufai Dan Doua, Editeur en Chef de 90 Minutes étaient arrêtés le 04 Novembre et interrogés par la police suite à une plainte en diffamation déposée par le Président de la fédération du football du Niger. Souley et Doua étaient relâchés après plusieurs heures.
Précédemment, le Directeur de Publication du journal Canard Déchainé, Oumarou Aliou Modibo avait été convoqué, puis interrogé au bureau du Procureur Général d’un tribunal cantonal. L’interrogatoire a fait suite à la publication de son article du16 mars selon lequel le Ministre de la justice du Niger, Garba Lompo, aurait illégalement acquis une parcelle de terrain. Ensuite, le rédacteur a été détenu jusqu’au lendemain.
Un escale vers la Côte d’Ivoire où, Le 30 Octobre, Koffi Kouassi Norbert, qui écrit sous le nom de plume de Norbert N’Kaka , était convoqué par Sessi Soukou, le maire adjoint de Dabou, une ville au sud de la Côte d’Ivoire. Soukou avait convoqué Kouassi à s’expliquer sur ses articles sur la ville que le maire adjoint considérait injustes. Alors que N’Kaka répondait aux interrogatoires sur ses articles, quelques jeunes dans la ville ont attaqué son domicile.
Avant l’incident du 30 octobre, Joseph Gnahoua Titi et Séverine Blé, respectivement Directeur de Publication et Editrice en Chef de la presse Aujourd ‘hui, ont été convoqués le 21 juillet par la gendarmerie pour s’expliquer sur une publication du 21 Juillet portant sur la fortune du président ivoirien de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara. La publication était titrée : « Le Président Ouattara est extrêmement riche. Sa fortune est estimée à 17 milliards de dollar américain. » Les deux journalistes ont été interrogés pendant près de cinq heures.
Au Sénégal, Mamadou Wane, Editeur en Chef du journal l’Enquête a été convoqué le 28 Août, de se présenter devant un juge d’instruction. Wane a été convoqué et accusé de publication illégale des procédures judiciaires avant la tenue de l’audience publique. Quand il s’est présenté, il a été inculpé et détenu durant toute la journée tandis que son passeport lui a été retiré.
Toujours au Sénégal, trois journalistes -Mohamed Gueye, Alioune Badara Fall et Mamadou Wane-ont été convoqués par la police le 14 Juillet. Bien avant ceci, Gueye a été déjà convoqué deux fois concernant une publication sur une affaire de falsification impliquant un musicien nommé Thione Seck. Les trois journalistes ont été enfermés plus tard.
Le 1er Juliet, le redoutable service de renseignement en Gambie, la National Intelligence Agency (NIA), a convoqué et interrogé cinq journalistes de la presse La Voie. La NIA a interrogé Musa S. Sheriff, Sulayman Cessay, Bakary Cessay, Amadou Bah et Mafugi Ceesay et leur a demandé des informations personnelles. La NIA a exigé des informations sur les sources de revenue de la presse, comment les informations sont obtenues, quels sont les buts et les objectifs visés, quelles causes cela défend et quelles sont les genres de sujets que les journalistes couvrent.
Le Ghana ne fait pas exception. Le 29 juin, l’animateur de l’émission matinale de Joy FM, Kojo Yankson, a été convoqué par le comité des privilèges du parlement ghanéen en même temps que le professeur Dodoo un expert-clinique. Les convocations font suite à une interview que le professeur a accordée au journaliste au cours de laquelle le scientifique a qualifié d’«ignorant» l’attitude de députés à l’égard des essais de vaccin contre Ebola.
En Guinée le Directeur Général du journal Lynx, Diallo Souleymane, a été convoqué les 25 et 26 mars, puis interrogé par Martine Condé, président de la Haute Autorité de la Communication (HAC), l’organe régulateur. Cet incident faisait suite à un article que Souleymane avait écrit le16 mars, dans lequel il a dénoncé une violation présumée de L’Article 7 de la loi portant sur la HAC qui prévoit ainsi: «le président de la HAC est élu par ses pairs sous la supervision de la Cour Constitutionnelle.» Par contre, le président élu et les membres de la HAC, en l’espèce, ont prêté serment plutôt devant un huissier.
Bien que la MFWA reconnaisse que les actes présumés du manque de professionnalisme doivent être sanctionnés, cela relève de la compétence des institutions, notamment les organes de régulation, mandatées par les constitutions pour émettre des réprimandes et des sanctions. Même dans des cas pareils, l’organe régulateur est censé procéder à la résolution des problèmes d’une manière prudente afin que les journalistes n’éprouvent aucune crainte de critiquer les officiels de l’Etat, et que les médias ne soient obligés de recourir à l’autocensure.
Les convocations des personnels des médias par l’exécutive, la police et les autres organismes de sécurité de l’Etat sont injustifiées et intimidantes. Pour faire avancer la démocratie et la bonne gouvernance, et pour être en mesure d’exiger des comptes des autorités, au nom du peuple, les journalistes et les médias doivent avoir la liberté de rapporter sur tous les questions sans aucun harcèlement ou intimidation.