Au cours de la dernière année, les acteurs de la société civile au Niger sont assiégés par les acteurs étatiques dans une répression qui s’est soldée par une interdiction, une condamnation, des interpellations et détention dont six incidents affectant cinq personnes.
La toute dernière victime est Abdoul Moumouni Ousmane, le Président du groupe Cadre d’Action pour la Démocratie et les Droits Humains. Le 23 juin, 2016, la Court de Grande Instance de Niamey l’a condamné à six mois de prison avec sursis et une amende de 50,000 Francs CFA (environ 85 $) pour avoir critiqué, via Facebook, la réaction du gouvernement face à l’insurrection de Boko Haram. Ousmane a été arrêté le 14 juin, et détenu dans la Maison d’arrêt de Niamey pendant cinq jours, mais n’a été inculpé que le 19 juin. Le 23 juin, il a été condamné pour avoir proposé « un complot en vue d’un changement constitutionnel. »
La condamnation de Ousmane intervenait deux jours seulement après l’interdiction par le gouvernement de Nathalie Prévost, la correspondante de la chaine française TV5, de couvrir l’actualité nigérienne. Prévost, qui est d’ailleurs formatrice volontaire et travailleuse sociale, a été interdite le 21 juin après la publication d’un article qu’elle a écrit dans lequel elle a évoqué « la faiblesse de l’armée face à Boko Haram »
Le 1er juin, (c’est à dire trois semaines avant l’interdiction de Prévost), la police avait interpellé Siradji Issa, critique avoué du gouvernement et président de la société civile, Mouvement des Jeunes pour l’Emergence du Niger (MOJEN).
La police déclarait avoir saisi aux mains d’un individu des tracts visant à déstabiliser le régime et que ce dernier avait cité le MOJEN comme la source du document. Cependant, ils ont relâché Issa après trois jours en détention sans retenir des charges contre lui.
Les trois actes d’intimidation à l’encontre des acteurs de la société civile en juin 2016 ont éclipsé une répression similaire intervenue en l’espace de deux mois en 2015 (18 mai-9 juillet).
Le 18 mai, 2015, Moussa Tchangari, le Secrétaire Général de la société civile Alternative Espaces Citoyens, a été détenu pendant trois semaines sans inculpation formelle et cela, pour avoir critiqué le gouvernement par rapport à sa gestion des besoins humanitaires de la population de la région de Diffa déplacée par la guerre contre Boko Haram. L’activiste avait tenu ces propos dans une interview accordée à la Radio France Internationale.
Aucune charge n’a été retenue contre Tchangari. Cependant, dans une interview avec le journal français Le Monde, le Ministre de l’Intérieur, Massaoudou Hassoumi, avait accusé l’activiste de complicité dans les activités terroristes de Boko Haram.
A peine une semaine après les troubles de Tchangari, un autre activiste, Nouhou Arzika, a été interpellé à son domicile le 24 Mai 2015 par les policiers en civil et détenu pour 22 heures. La police l’a interrogé sur des prétendues conversations téléphoniques entre lui et les soldats nigériens sur les champs de bataille à Diffa, l’épicentre de l’insurrection de Boko Haram. Il était accusé « d’avoir porté atteinte à la sécurité nationale », mais il n’était pas formellement inculpé.
L’arrestation d’Arzika, qui est le président du Mouvement Populaire pour une Citoyenneté Responsable (MPCR), était aussi en relation avec une interview qu’il a accordée à une chaine de télévision privée Liptako Télévision, interview dans laquelle il aurait condamné les ‘’conditions misérables’’ des soldats nigériens dans la zone du combat de Diffa.
Le 9 Juliet 2015, la police judiciaire a arrêté Siradji Issa et l’a détenu jusqu’au lendemain. L’arrestation faisait suite à une plainte en diffamation portée par le Ministre de la Jeunesse et des Sports, Abdoulkarim Dan Mallam, qui a été accusé par le MOJEN d’avoir e mal géré une révolte des joueurs concernant des primes destinées aux membres de l’équipe nationale de football.
L’arrestation d’Issa a complété les attaques sur la liberté d’expression au sein de la société civile au Niger en l’espace de deux mois.
Les violations ci-dessus sont en contradiction flagrante avec les engagements du Niger en vertu de la constitution nationale, les conventions, traités et chartes régionaux et internationaux donc il est signataire en matière de la promotion de la liberté d’expression et les droits humains généralement.
Force est de noter que sur les cinq interpellations, une seule a abouti à une inculpation formelle et, par la suite, un procès, ce qui démontre qu’il n’y a souvent pas de motifs valables pour les interpellations en premier lieu. Il est évident que les autorités utilisent la situation d’urgence dans le pays pour harceler et les activistes de la société civile et pour censurer la libre expression.
Dans une lettre ouverte adressée au Président Mahamadou Issoufou suite à sa réélection en février 2016, la MFWA avait mis en évidence la piètre évaluation que reçoit constamment le Niger dans les Rapports de Monitoring sur les Doits de la Liberté d’expression en Afrique de l’Ouest qui sont émis par l’organisation.
A la lumière de la persécution des activistes de la societé civile au cours du dernier mois seulement, on pourra dire que très peu d’effort a été consenti à la promotion de la liberté d’expression au Niger. La MFWA exhorte donc une fois encore le Président Issoufou à reconnaitre le rôle important de la société civile et, par conséquent, à prendre des mesures pour protéger les acteurs de la société civile contre les harcèlements et les intimidations, particulièrement de la part des acteurs étatiques.