Togo : Des manifestants arrêtés pour s’être opposés aux nouveaux pouvoirs accordés au président Gnassingbé

Les 5 et 6 juin 2025, les forces de sécurité de Lomé, la capitale togolaise, ont procédé à l’arrestation de plusieurs manifestants pacifiques. Certains d’entre eux auraient également été victimes de violences, alors qu’ils protestaient contre les récentes réformes constitutionnelles et la détérioration de la situation économique du pays.

En mai 2024, le président Faure Gnassingbé a supervisé l’adoption d’une nouvelle Constitution abolissant l’élection présidentielle au suffrage universel direct et transférant le pouvoir exécutif au président du Conseil des ministres – une fonction qu’il occupe depuis le 3 mai 2025. Ce poste, attribué par les députés et non soumis à une limitation de mandat, peut être renouvelé indéfiniment par le Parlement. Cette réforme a suscité de vives critiques de la part de l’opposition, qui dénonce un « coup d’État constitutionnel ».

À cette réforme politique s’ajoute une grogne sociale croissante, alimentée notamment par la hausse du coût de la vie. Le 5 mai 2025, la compagnie nationale d’électricité a annoncé une augmentation de 12,5 % des tarifs, accentuant les difficultés économiques de la population.

En réaction, des activistes sur les réseaux sociaux – rejoints par des partis d’opposition et des organisations de la société civile – ont appelé les citoyens à se mobiliser contre la réforme constitutionnelle et la crise socio-économique. L’un d’eux, le rappeur Aamron, a été arrêté le 26 mai après avoir lancé un appel à manifester à la date symbolique du 6 juin, jour de l’anniversaire du président.

Des responsables religieux ont également exprimé leur inquiétude face aux tensions croissantes et à la restriction des libertés. La Conférence épiscopale du Togo (CET), qui regroupe les évêques catholiques du pays, a publié une déclaration dans laquelle elle alerte :

« Nous sommes fermement convaincus que le pays est en danger à force de nourrir les frustrations ; car une nation ne se construit pas durablement sur le silence imposé, sur la peur suscitée et entretenue, sur le mépris de la voix de son peuple, ni sur l’obstination à faire croire au peuple le contraire de ce qui est vrai. Les peurs et les frustrations tuent, se transforment en actes désespérés, et la colère silencieuse devient des explosions imprévisibles. »

Depuis 2022, les manifestations publiques sont quasiment interdites au Togo, à la suite d’une attaque meurtrière survenue au marché central de Lomé. Malgré cette interdiction, des manifestants ont bravé l’interdiction les 5 et 6 juin. Plusieurs d’entre eux ont été interpellés lors de ces rassemblements. Au 10 juin, environ la moitié des personnes arrêtées avaient été relâchées, tandis qu’environ 25 restaient en détention.

Dans une déclaration publiée à la suite des manifestations, la coalition « Touche pas à ma Constitution », composée de partis d’opposition et d’organisations de la société civile, a affirmé que « la Constitution illégale que le gouvernement tente d’imposer ne passera pas ». Elle a également déclaré que le peuple togolais n’acceptera jamais « la monarchisation de la République », qualifiant les événements des 5 et 6 juin de tournant décisif dans la lutte politique du pays.

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) appelle à la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes encore détenues, et exhorte les autorités togolaises à abandonner les charges retenues contre elles. Elle appelle en outre au respect plein et entier du droit fondamental des citoyens à exprimer leurs opinions et leurs préoccupations par des manifestations pacifiques.

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