Un présentateur d’une station de radio privée à Conakry et le propriétaire de la station font face à des poursuites judiciaires suite à l’intervention d’une détractrice du gouvernement lors d’une interview téléphonique à la radio.
Aboubacar Algassimou Diallo, animateur de l’émission de grande écoute Œil de Lynx sur Lynx FM, et Diallo Soulemane, propriétaire de ladite station, ont été convoqués par la Direction de la Police Judiciaire (DPJ) le 19 Août 2019.
Ceci fait suite à l’édition du 31 Juillet 2019 de l’émission Œil de Lynx au cours de laquelle Mme Sanoh Dossou Conde, une Guinéenne résidant aux Etats-Unis et ancienne militante du RPG Arc-en-Ciel, devenue farouche opposant au gouvernement, aurait fustigé le Dr Mohamed Diane, ministre de la Défense pour des malversations financières.
Les deux journalistes ont été entendus par un tribunal d’instance de Kaloum et ont reçu l’ordre de se présenter au tribunal tous les mercredis et vendredis à 9 heures du matin dans le cadre d’une procédure de contrôle judiciaire.
Algassimou et Souleymane sont accusés de « de complicité de production de diffamation, de diffusion de donnée de nature à troubler la sécurité publique ou a porté atteinte à la dignité humaine sur les fondements des articles 32 et 33 de la loi sur le cyber sécurité», par le tribunal correctionnel de Kaloum. L’accusation a utilisé la loi NᵒL 2016/037 sur le cyber sécurité à la place de la loi organique L / 2010/02 / CNT du 22 Juin 2010 sur la liberté de la presse qui décriminalise les délits de presse.
« Ils sont en train d’utiliser la méthode d’intimidation et si vous regardez dans le fond, il n’y a rien c’est vide, on ne doit pas convoquer quelqu’un parce que vous avez donné la parole à une personne qui s’est exprimée », a déploré Fode Oussou Fofana, un politicien de l’opposition.
Le 21 Août, le tribunal a également interdit à M. Algassimou de quitter le pays et a suspendu indéfiniment son programme, Oeil du Lynx.
La MFWA condamne le recours flagrant à la force d’Etat pour intimider les deux journalistes. Il n’y a eu aucune plainte en diffamation de la part d’un individu ou d’une institution contre les journalistes, seulement une convocation par la police dans ce qui aurait dû être une affaire civile même s’il y avait eu une plainte. En outre, la diffamation est un délit de presse qui est dépénalisé par la législation guinéenne. Le recours aux dispositions du Code Pénal relatives à la sécurité publique est clairement une tentative de brouiller l’affaire et de pénaliser à tout prix les journalistes.
Nous exhortons donc les autorités à abandonner les charges retenues contre Algassimou et Soulemane et à leur permettre de poursuivre leur travail journalistique sans aucune autre ingérence. Nous demandons également au régulateur des médias, la Haute Autorité de la Communication (HAC), d’intervenir pour veiller à ce que les droits des journalistes ne soient pas davantage bafoués.