Juillet 2019 Extrêmement Répressif – 12 Manifestants, un Journaliste Tués et de Nombreux Autres Détenus

0
1475
Source: Nairobi Wire

Ce fut un mois tumultueux pour la liberté d’expression en Afrique de l’Ouest. En Juillet 2019, plusieurs violations ont été constatées, notamment 12 manifestants et un journaliste tués tandis que la Guinée a adopté une loi autorisant les forces de sécurité à tirer à vue.

Une intervention catastrophique des forces de sécurité a entraîné la mort de 12 manifestants et d’un journaliste à Abuja le 22 Juillet. Les douze membres du Mouvement Islamique au Nigéria (IMN) manifestaient pour exiger la libération de leur leader religieux, Ibrahim el Zakzaky, placé en détention. Precious Owolabi, qui travaille pour Channels Television, en reportage  sur la manifestation et la répression, a reçu une balle et est en décédée à l’hôpital.

Tandis que le Nigéria faisait le décompte des personnes tuées lors de  la répression sanglantes, le Parlement de la Guinée a approuvé le 6 Juillet 2019 une loi autorisant les gendarmes à tirer à vue sans crainte de poursuites judiciaires lorsqu’elles sont confrontées à l’imminence d’une agression terroriste. Etant donné le bilan alarmant du pays en matière de répression meurtrière contre les manifestants, cette loi a de graves répercussions sur les droits à la liberté de réunion et de manifestation.

Au Togo, le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, Payadowa Boukpessi, a carrément interdit une manifestation organisée par le Mouvement Martin Luther King (MMLK, la voix des sans-voix). Le MMLK avait prévu de tenir un sit-in devant les locaux du ministère chargé de la Sécurité le 25 Juillet pour protester contre la montée de la criminalité dans la capitale.

Agressions Physiques

Le 5 Juillet, quelques employés de l’Autorité Nationale d’Identification (NIA) du Ghana ont attaqué Edward Twum, un cameraman de la chaîne Citi TV basée à Accra. Twum filmait des candidats frustrés alors que son collègue Elvis Washington les interviewait lorsque des responsables de la NIA les ont abordés. Ils ont interpellé Twum et ont tenté de s’emparer de son appareil photo, le laissant avec des meurtrissures au poignet.

En Gambie, un groupe de partisans de l’Alliance pour la Réorientation Patriotique et la Construction (APRC), le parti politique de l’ancien président Yahya Jammeh, ont agressé deux journalistes qui couvraient les procédures judiciaires à Banjul. Modou Saidy, journaliste travaillant pour le média privé Fatu Network, et Romain Chanson, journaliste de Radio France Internationale (RFI), ont été attaqués le 8 Juillet 2019 par les militants de l’APRC devant le tribunal de grande instance de Banjul.

Le 30 Juillet, une vingtaine de journalistes couvrant le processus de contrôle des commissaires désignés à l’Assemblée dans l’Etat d’Ebonyi ont été battus par des voyous sur les ordres d’un membre de la Chambre, M. Nkemka Onuma. Certains journalistes ont également vu leur matériel détruit dans les fracas.

Arrestations/Détentions

Le 1er  Juillet, la police a arrêté Valentin Kouassi, président de l’aile de la jeunesse du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Kouassi a été inculpé pour trouble à l’ordre public et placé en détention dans un lieu tenu secret après avoir organisé le 23 Juin une manifestation antigouvernementale dans la ville d’Adzopé (sud du pays). Il a été libéré un jour plus tard, mais soumis à des conditions répressives, placé sous contrôle judiciaire et interdit de participer à des rassemblements et de prendre la parole lors de rassemblements publics, ainsi que de participer à des discussions politiques et nationales sur les réseaux sociaux.

Ahmed Ould Wedia, journaliste de la chaîne de télévision privée Al-Mourabitoune, a été arrêté à son domicile par les forces de sécurité le 3 Juillet, au moment de la répression des manifestations contre les résultats de l’élection présidentielle en Mauritanie. Il a été libéré sans inculpation le 15 Juillet.

Un jour après la libération de Wedia en Mauritanie, des gendarmes au Sénégal ont arrêté Guy Marius Sagna alors qu’il était en réunion au bureau du FRAPP-France Dégage, une organisation de la société civile dont il est un membre dirigeant. Lors de son arrestation le 16 Juillet, Sagna a été interrogé sur une publication sur Facebook au sujet de la négligence des hôpitaux dans le pays. La publication faisait référence à la mort dans un hôpital de France du secrétaire du parti au pouvoir au Sénégal et proche allié du Président Macky Sall.

«Mourir dans un hôpital de l’ancienne puissance coloniale alors qu’ils ont eu le temps pendant 59 ans de doter ce pays de structures hospitalières dignes de ce nom !!! Quelle tristesse ! Quel gâchis !» a écrit Sagna.

Dans un incident similaire, Adama Gaye, un journaliste indépendant connu pour ses articles critiques dans les journaux et les réseaux sociaux, a été placé en détention provisoire le 29 Juillet en détention provisoire pour «insulte au président de la République».

Gaye a été arrêté pour un message sur Facebook dans lequel il prétendait que le Président Macky Sall avait eu une liaison extraconjugale lors d’un voyage officiel à l’étranger.

Le 30 Juillet, la police nigérienne a détenu Oke Epia, rédacteur en chef de Order Paper, après que les journalistes répondirent à une convocation au sujet de «plaintes criminelles» déposées par un ancien député du Parlement, Tony Nwulu. L’ancien législateur s’est plaint qu’Epia ait fait de fausses déclarations à son sujet dans son profilage des candidats au poste de gouverneur. Le journaliste a été libéré sous caution le même jour après plusieurs heures.

Poursuites en Diffamation

Le mois a également enregistré de nombreuses poursuites en diffamation contre des journalistes. En Guinée, le journaliste Habib Marouane Kamara a été traîné en justice le 10 Juillet pour diffamation après avoir publié des allégations de corruption sur Facebook contre le Directeur National des impôts, Aboubacar Makhissa Camara. Marouane Kamara qui est journaliste à la Radio Nostalgie, a vu son procès renvoyé à une date ultérieure.

Le même 10 Juillet, Othello B. Garblah, journaliste au journal New Dawn, avait été convoqué par un juge d’un tribunal pénal de Monrovia (Libéria) pour répondre à des accusations d’outrage au tribunal. Les accusations portaient sur un article critique rédigé sur les juges par le journaliste et publié avec la photo du juge Peter W. Gbeneweleh.

Développements heureux

En ce qui constitue un aboutissement heureux, le blogueur mauritanien Mohamed Cheikh Ould Mkheitir a été libéré le 29 Juillet après cinq ans de détention pour blasphème. Mkheitir, condamné à mort en 2014, est resté en détention même après qu’une cour d’appel lui ait accordé un sursis en commuant sa peine à deux ans de prison le 9 Novembre 2017.

Autre fait nouveau important, susceptible de mettre un terme à l’assassinat non élucidé de Dayda Hydara, un soldat gambien qui faisait partie de la brigade de tueurs à gages de l’ancien président Yahya Jammeh, a le 22 Juillet 2019, avoué avoir été impliqué dans le meurtre de l’ancien rédacteur en chef du journal The Point. Le lieutenant Malick Jatta a déclaré à la Commission  Vérité, Réconciliation et Réparations (TRRC) de Gambie que le meurtre d’Hydara, le 16 Décembre 2004, avait été commis sur ordre de l’ex-Président exilé.

Au Mali, l’UNESCO et le Ministère de la communication ont lancé un projet intitulé ” Renforcer la contribution des médias pour un futur de développement durable “. Le projet vise à aborder des questions telles que la sécurité des journalistes, l’accès du public à l’information et l’accès des médias aux sources officielles. Le représentant du chef de Bureau de l’UNESCO, Saip Sy, a expliqué que le projet vise à faire la  «promotion de la liberté d’expression, afin de permettre une pluralité des voix, assurer une gouvernance transparente ainsi que lutter contre l’oppression, mettre fin aux conflits et atténuer la pauvreté».

Le 22 Juillet, le Président Patrice Talon a affirmé son soutien à la liberté d’expression et a exhorté la Haute autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), autorité de régulation des médias au Bénin, à protéger la liberté de la presse. Ces propos ont été tenus par le Président à l’occasion de l’investiture de la 6ème  mandature de la HAAC sont très significatifs et encourageants car le Bénin a récemment connu une vague de violations de la liberté d’expression qui vont à l’encontre de la réputation du pays en matière de respect de la liberté d’expression.

En Sierra Leone, quatre journalistes ont retrouvé leur liberté le 2 Juillet 2019, après avoir passé quatre nuits en détention dans un procès en diffamation intenté contre eux par un avocat. A l’issue de la comparution le 28 Juin, les quatre journalistes n’avaient pas pu remplir les conditions strictes de caution  imposées par un tribunal de première instance de Freetown pour leur mise en liberté conditionnelle.