Les événements qui se sont produits au Ghana au cours des 18 derniers mois brossent un tableau lugubre de la situation de la liberté de la presse dans le pays.
Les attaques contre les journalistes ont été récurrentes et graves. Il y a un climat croissant d’intimidation des médias et une culture grandissante de l’intolérance des opinions divergentes. Les lois ont été appliquées de manière arbitraire et discriminatoire pour fermer principalement les médias favorables à l’opposition. Le secteur des médias audiovisuels indépendants se bat contre des propositions de politiques du gouvernement jugées asphyxiantes du secteur.
Au cours de cette période de 18 mois, la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) a documenté 31 cas de violations des droits des journalistes et des organes de presse. Les 31 attaques ont impliqué plus de 40 victimes, certaines attaques impliquant plusieurs personnes.
La majorité de ces violations étaient des attaques physiques et de graves menaces. Il y a eu également un meurtre et, pour la première fois depuis plus de dix ans, la MFWA a dû apporter à un journaliste ghanéen menacé de mort un soutien pour se réfugier.
Dans la dernière d’une série de très tristes incidents pour la liberté des médias au Ghana, le 27 juin 2019, des agents de la sureté nationale ont pris d’assaut les bureaux d’un média en ligne, ModernGhana.com, et ont arrêté deux de ses collaborateurs, dont un rédacteur en chef adjoint.
Les agents, qui n’ont présenté aucun mandat, ont arrêté les journalistes, leur ont bandé les yeux et les ont conduits dans des bureaux de la sécurité nationale. Les journalistes ont par la suite rapporté qu’ils ont été torturés.
Quel que soit le crime que la maison de presse et / ou ses journalistes aient pu commettre, le raid a la façon de Rambo, les arrestations, la saisie de matériel et les détentions arbitraires, et surtout la torture dont seraient victimes les journalistes constituent un triste spectacle, typique des régimes autocratiques. Ce sont là des développements inimaginables au Ghana, un pays qui se targue d’une notoriété mondiale en ce qui concerne le respect des droits de l’homme et de la liberté de la presse.
Outre les exactions récurrentes à l’encontre des journalistes, le gouvernement actuel s’est également efforcé d’introduire un certain nombre de politiques hostiles dans le secteur des médias. Le 6 juin 2019, par exemple, l’Association des radio et diffuseur télévisuel indépendants du Ghana (GIBA) et d’autres parties prenantes ont dû convoquer un forum pour contester un projet de politique du gouvernement visant à crypter toutes les chaînes de télévision gratuites du pays en lieu d’un accès conditionnel aux téléspectateurs moyennant des frais pour accéder aux plateformes numériques.
L’organisation du forum par GIBA fait suite aux tentatives du gouvernement de mettre en œuvre le projet de politique en dépit des préoccupations exprimées par les acteurs du secteur de la radio et télédiffusion concernant les implications négatives de la mise en œuvre du projet de politique pour la survie du secteur de télédiffusion locale. En effet, la mise en œuvre dudit projet de politique aurait un impact négatif sur la capacité de la majorité des citoyens à accéder au contenu télévisé.
En Mai, l’autorité nationale de la communication (NCA) a fermé un certain nombre de stations de radio de manière arbitraire et discriminatoire. Dans un exercice non transparent, l’autorité a fermé les deux principales stations de radio favorables à l’opposition dans la capitale à un moment où ces stations couvraient en direct un événement organisé par le principal parti de l’opposition.
Ces développements ont le potentiel de réintroduire la culture du silence tant redoutée dans le pays. Ils affectent également la capacité des médias à jouer un rôle essentiel dans la croissance de la démocratie naissante du pays. La démocratie ne peut certainement pas prospérer sans la liberté de la presse. Les gouvernements qui défendent véritablement les principes fondamentaux de la démocratie devraient, certes, comprendre l’importance d’un média libre et agir à tout moment de manière non seulement à garantir la liberté de la presse, mais également à soutenir leur développement.
La MFWA appelle le Président de la République à s’intéresser personnellement au développement de l’espace médiatique et à intervenir personnellement pour que la liberté de la presse et la sécurité des journalistes soient pleinement garanties. La culture rampante d’attaques, d’intimidation, de menaces et de censure doit cesser et les auteurs doivent être punis pour mettre fin à la culture d’impunité au Ghana.