En ce qui pose une menace à la liberté d’expression en ligne, les gouvernements du Burkina Faso et du Niger ont adopté de nouvelles lois qui introduisent des peines de prison pour des publications considérées par les autorités comme compromettantes de la sécurité et de l’ordre public.
Au Burkina Faso, le nouveau code pénal a été voté par le Parlement le 21 Juin 2019 et impose des sanctions extrêmement punitives, y compris les peines de prison et des amendes jusqu’à 10 millions de francs CFA (près de 17 350 USD) pour des publications par n’importe quels médiums, jugés compromettantes de la sécurité.
«Quiconque publie ou relaie en direct ou dans un temps voisin, par un moyen de communication, quel qu’en soit le support, des informations, images ou sons de nature à compromettre le déroulement d’une opération ou d’une intervention des Forces de défense et de sécurité en cas de commission d’actes de terrorisme, est puni par une peine de prison d’un a cinq ans et d’une amende d’un million à 10 millions de francs CFA », stipule l’article 312-15 du nouveau code pénal.
Plus inquiétant, les articles 312 -16 exigent de toutes personnes, y compris les journalistes qui veulent publier des informations relatives “aux images et sons des scènes des attaques terroristes”, à obtenir une autorisation préalable.
Le nouveau code pénal a suscité beaucoup d’indignation au sein de la fraternité des médias et au près des organisations de la liberté de la presse au Burkina Faso.
” Le gouvernement actuel veut tuer la presse nationale. De quelle autorisation préalable un journaliste aurait-il besoin pour couvrir et rendre compte d’une situation d’urgence, imprévue et imprévisible ?”, s’est indigné Guézouma Sanogo, Président de l’Association des journalistes du Burkina (AJB), membre du Centre National de Presse-Norbert Zongo (CNP-NZ), partenaire national de la MFWA au Burkina Faso.
Cependant, le Ministre de la Justice, Réné Bessolé Bagoro a defendu la nouvelle loi comme une mesure destinée à poursuivre en justice les actes qui « démoralisent les troupes et la loi ne saurait perturber le professionnalisme des médias, mais contribuerait à sanctionner les fautifs».
La déclaration du ministre rappelle l’arrestation et la condamnation ultérieure de Naim Toure en Juillet 2018, un activiste des réseaux sociaux qui avait critiqué l’armée pour sa prétendue négligence d’un soldat blesse lors d’une opération anti-terroriste.
Une similaire loi controversée de cyber sécurité a été adoptée au Niger le 25 Juin 2019, imposant des amendes jusqu’à 8700 USD et des peines de prison jusqu’à 3ans pour des publications en ligne considérées compromettantes de l’ordre public.
“Et puni d’une peine d’emprisonnement de six(6) mois à trois (3)ans et de un million (1 000 000) à cinq millions (5 000 000) de francs CFA d’amende, le fait pour une personne de produire, de mettre à la disposition d’autrui ou de diffuser des données de nature à troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine par le biais d’un système d’information”, lit-on dans l’article 31 de la loi.
Comme on pouvait s’y attendre, la nouvelle restriction a suscité de vives réactions de la part des médias et des organisations de la société civile.
“Le gouvernement aurait dû prendre des dispositions pour assurer une large consultation sur l’élaboration du projet de loi sur la cybercriminalité de telle sorte qu’elle ne compromette pas la liberté d’expression au Niger”, a dit Mamane Jaharou, Secrétaire Général de l’ONIMED, organisation nationale partenaire de la MFWA au Niger.
La MFWA considère les nouvelles lois au Burkina Faso et au Niger comme un prétexte pour les autorités à prendre avantage de la situation de sécurité délicate dans les deux pays pour restreindre la liberté d’expression et réintroduire les termes de prison pour les délits de presse.
La MFWA soutient en principe les efforts des gouvernements à assurer la sécurité et la paix sans lesquelles la liberté d’expression et la liberté de presse ne sauraient s’exercer dans les pays respectifs. Cependant, nous condamnons le recours à des lois répressives qui conduisent à une vague interprétation et sont, par conséquent, susceptibles d’abus. Par conséquent, nous lançons un appel au dialogue entre le gouvernement et tous les acteurs concernés à revoir les dispositions répressives.